Comité de liaison (CLAN-R)

19 mars 1962 : un faux anniversaire pour un faux armistice

samedi 20 février 2010

Par qui le texte est-il signé ?

Côté français, on peut admettre que les délégués du gouvernement (Louis Joxe, Robert Buron et Jean de Broglie) engageaient la parole de la France. Mais en face ?

Les émissaires du FLN (Krim Belkacem, Saad Dahlab, Ben Tobbal, M’hamed Yazid) ont signé sans jamais préciser quelle personne morale ils représentaient. C’est ainsi qu’a été tournée une difficulté.

En effet, s’ils avaient engagé le Gouvernement provisoire de la République algérienne, leur présence à une table de négociation, face à des émissaires du gouvernement français, aurait valu reconnaissance de facto du GPRA par le général De Gaulle. Trop compromettant tant que l’affaire n’était pas complètement bouclée !

De ce fait, les délégués algériens devaient, après signature, retourner à Tripoli faire avaliser par le GPRA et par le CNRA[Conseil National de la Révolution Algérienne.]] le texte qu’ils avaient signé.

Mais à Tripoli, sous l’influence du colonel Boumediene, chef des armées, le GPRA refusa de « couvrir » les émissaires qu’il avait lui-même
envoyés à Évian. Quel juriste international oserait accorder la moindre portée juridique [6] à un document établi dans des conditions aussirocambolesques ?

Dans la pratique, les déclarations d’intention d’Évian n’ont servi qu’à donner une forme symbolique au transfert de pouvoir de la France au FLN.

C’est à peu près tout. Et c’est bien parce que ces prétendus « accords » n’ont jamais eu de portée juridique que, bien que des clauses essentielles n’aient pas été respectées [7], le gouvernement français s’est toujours refusé à saisir le Tribunal international de La Haye.

Ils n’ont d’autre valeur que celle d’une déclaration d’intention unilatérale de la France, cosignée par quatre personnalités algériennes non accréditées.

Pourtant, le comble de la clownerie diplomatico-juridique était encore à venir. Le transfert de pouvoir eut bien lieu dans les formes prévues
par les "accords". Le 3 juillet 1962, l’Exécutif de transition présidé par Abderrahmane Farès céda à Alger la place au GPRA présidé par Youssef
ben Kheddha.

Des élections « démocratiques » devaient suivre. Mais le 3 septembre 1962, franchissant les frontières que l’armée française ne verrouillait plus, les troupes et les services spéciaux du colonel Boumediene renversaient Ben Khedda, pour le remplacer par le couple Ben Bella-Boumedienne. Ainsi, les adversaires les plus résolus des prétendus « accords » étaient-ils désormais chargés de leur mise en oeuvre !

[6Voir « Algérie, mémoire déracinée ». René Mayer. Édition L’Harmattan1999, pages 223 à 228.

[7« Les droits de propriété » des Européens d’Algérie devaient être « respectés » ou devaient faire l’objet de « l’octroi d’une indemnité équitable préalablement fixée », ces mêmes Français d’Algérie devaient disposer d’« une juste et authentique participation aux affaires publiques », et aux « diverses branches de la fonction publique » algérienne, « les textes officiels » devaient être « publiés ou notifiés dans la langue française », « la mise en valeur des richesses du sous-sol » saharien devait avoir « un caractère paritaire » etc.


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