Comité de liaison (CLAN-R)

Le Bachaga Boualem le 5 juin 1962 à l’Assemblée Nationale

mercredi 17 août 2011

Tout ce qui a été fait jusqu’ici est terriblement précaire. heureuses sont les familles qui sont logées sur le sol de la métropole, dans des hangars, des granges. Elles ont trouvé la chaleur d’une hospitalité et la sécurité. Oui bien heureuses, car sur celles qui n’ont pas pu quitter l’Algérie, l’étau se resserre, les représailles s’abattent.

En dépit de ces événements, le 23 mai 1962, le ministre Louis Joxe adresse la directive suivante :"Les supplétifs débarqués en métropole en dehors du plan général de rapatriement seront en principe renvoyés en Algérie où ils devront rejoindre, avant qu’il ne soit statué sur leur situation définitive, le personnel déjà regroupé suivant les directives des 7 et 11 avril.

Je n’ignore pas que ce renvoi peut être interprété par les propagandistes de la sédition comme un refus d’assurer l’avenir de ceux qui sont demeurés fidèles. Il conviendra donc de d’éviter de donner la moindre publicité à cette mesure. Mais ce qu’il faut surtout, c’est que le gouvernement ne soit plus amené à prendre une telle décision".

En même temps est rendue publique la note adressée par le colonel Buis à l’inspecteur général des affaires algériennes et qui est rédigée dans le même sens.

Comment avez-vous pu, monsieur le ministre prendre une telle décision à notre égard ?

Et je pense à ce jour, tout proche encore, où arrivèrent à Redon trois familles kabyles condamnées par le FLN et comptant 23 personnes. Trois familles de cultivateurs bretons avaient répondu à l’appel de l’ancien chef de ces pauvres gens. Mais au lieu des visages accueillants qu’ils attendaient, ce sont des gendarmes et des policiers, le sous-préfet à leur tête, qui leur annoncent que, dès le lendemain, ils seraient refoulés vers l’Algérie. Savez vous qu’il a fallu 6 jours d’interventions pressantes pour faire rapporter cette mesure ?

Le 25 mai dernier, paraît un communiqué du commandant supérieur à Alger annonçant que toutes les dispositions étant prises, ces dispositions isolées seront désormais proscrites. Et ce matin même, 5 juin, un nouveau communiqué du ministre des armées affirme que les harkis menacés et leurs familles, soit 4930 personnes, vont être rapatriés et que le secrétaire d’Etat aux rapatriés est chargé de leur accueil en métropole.

Mesdames et Messieurs le problème est trop grave pour que je sois pleinement rassuré par de simples communiqués de presse. Aidez-nous à sauver les nôtres, il y va de notre honneur. (...)

En fait, il ne s’agit là que d’une estimation concernant exclusivement les harkis les plus menacés. Parle-t-on de tous les autres musulmans condamnés par les tribunaux FLN ? Le chiffre du ministère des armées je ne le considère pas comme valable. Il cache l’abandon et la mort de milliers d’autres En retirant l’armée, vous livrez nos terres et nos populations à la merci de l’ALN.

Dans le bled, on rançonne systématiquement les serviteurs de la France. Ailleurs, comme chez moi, l’armée reste l’arme au pied sur ordre des préfets qui reçoivent leurs consignes de l’ALN. Les assassinats se poursuivent.

Autrefois, un seul de ces cas aurait soulevé l’indignation du pays. Des jeunes filles sont enlevées et partagées entre les bandes de l’’ALN, des familles entières sont égorgées, la vieille mère et les deux frères d’un moghazni de la région de Djidjelli, qui avait pu s’échapper, ont été sauvagement exécutés.

Mais il y a pire encore. Je pense aux prisonniers européens et musulmans. Dans l’Ouarsenis, tout le monde sait que l’ALN détient prisonniers un officier et 3 de ses soldats. A Dra-El-Mizan, des moghaznis prisonniers ont été mutilés au bras droit. Il existe à Rovigo un camp de prisonniers européens et musulmans.

Il court aussi ce bruit affreux selon lequel à Alger, en plein cœur de la casbah, des dizaines d’européens sont détenus en des lieux connus des autorités. Celles-ci ont refusé d’intervenir. Et le commando Georges, ses hommes après s’être illustrés pendant des années au combat ont été désarmés et massacrés. Leurs 2 officiers d’active, français musulmans, ont subi une mort ignominieuse.

Voilà, mesdames et messieurs, le sort que subiront trop des nôtres.

Je demande au gouvernement :

Pourquoi n’avez vous rien prévu depuis des mois alors qu’il était encore temps et que l’abandon était décidé ? pourquoi n’avez-vous pas depuis des mois regroupé et protégé tous ceux qui sont désarmés ?

Pourquoi avez-vous refusé en Algérie les autorisations de sortie vers la métropole ? pourquoi avez-vous décidé de refouler hors de notre patrie ceux qui individuellement parviennent jusqu’à
Marseille ? Pourquoi menacer de sanctions les officiers qui se sentent jusqu’au bout responsables de la vie de leurs hommes et organisent leur retour vers la France ? (...)

Il est encore temps. La France sait être grande et généreuse. Il ne s’agit pas seulement de sauver des hommes, il s’agit dans ce désastre de sauver l’honneur de notre patrie.

(JO du 5 juin 1962)


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