Comité de liaison (CLAN-R)

Général François M E Y E R. LE DRAME DES HARKIS EN 1962

mardi 22 février 2011

Lieutenant en Algérie, j’ai servi pendant quatre années au 23ème régiment de spahis en Oranie, de 1958 à 1962, dans une unité où le concours des algériens musulmans était considérable et j’ai commandé successivement deux harkas, en tant que chef de commando du
Secteur opérationnel à Géryville, puis à Bou Alam toujours en Sud-Oranais.

Je crois avoir connu une guerre dont la réalité a échappé à de nombreux Français, la guerre civile entre les Algériens au moment de la décolonisation.

Je précise que je n’avais jamais promis à mes soldats que la France resterait en Algérie, et que j’ai seulement écouté avec eux les allocutions du Général de Gaulle, ainsi que les nombreux discours des autorités civiles et militaires, qui nous fixaient bien suffisamment les objectifs politiques de nos combats.

J’ai simplement promis à mes harkis que je resterais avec eux jusqu’au "dénouement", et prolongé en conséquence mon séjour. Mon adjoint, le sous-lieutenant d’Agescy a fait de même.

Au milieu des combattants musulmans, j’ai donc vécu la dissolution des harkas, c’est-à-dire leur désarmement et leur démobilisation. Avec les spahis de mon commando, militaires engagés, qui avaient refusé la rupture de leurs contrats, et donc le désarmement, j’ai pu assurer la protection des familles des anciens supplétifs en attente de départ pour la France, les aider dans les formalités administratives qu’ils devaient accomplir, et témoigner de ce` que ces anciens soldats étaient
réellement menacés dans leur vie, puisque c’était à cette condition seulement que les autorités militaires avaient reçu l’ordre de prendre en compte les demandes de transfert en métropole.

J’ai participé à l’organisation d’un premier convoi vers la France le 13 juin qui est arrivé au camp du Larzac le 16, et j’ai moi-même accompagné un deuxième et dernier convoi le 9 juillet, qui est arrivé
au camp de Sissonne le 16 juillet 1962.

Ce qu’ont vécu en 1962 les anciens supplétifs et les anciens engagés, tous soldats de la France, ne doit pas être éternellement caché. Il est important que l’histoire de cette période soit établie dans toute sa vérité. Aujourd’hui, les revendications des fils et des filles de harkis sont d’abord des exigences de considération et de dignité.

Il n’y aura pas pour eux de paix sociale tant que l’opinion publique restera dans l’ignorance de ce qui s’est passé. Trop de Français, moins d’ailleurs par parti pris que par méconnaissance, les appellent encore "fils de traîtres", car jamais la reconnaissance de la France ne leur a été manifestée de façon claire, officielle, éclatante.

C’est un devoir de vérité et de réhabilitation sans équivoque que la France doit s’imposer. Les historiens et les chercheurs ont ici un travail important à mener.

Aujourd’hui par exemple, on continue d’écrire ou de dire que les propositions faites aux supplétifs en 1962 organisaient "leur libre choix" ou que les transferts en France réalisés dans le cadre d’initiatives individuelles étaient couverts par les Autorités. Ce n’est pas la vérité. En prenant connaissance de ce qui s’est réellement passé, des directives qui ont été effectivement données, ou des modalités de leur application sur place, on portera j’en suis sûr le jugement qui convient.

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