Comité de liaison (CLAN-R)

26 mars 1962 à Alger : Témoignages...

jeudi 10 mars 2011

Voyant parlementer les manifestants avec l’officier dirigeant cette troupe, je me suis présenté, lui demandant de ne pas s’opposer au passage de cette foule patriotique, pacifique et sans armes. Se rendant à nos arguments, l’officier a ordonné à ses soldats de laisser passer la manifestation.

Satisfait je suis retourné à mon lieu de rendez-vous, tout en regardant défiler les manifestants dont des personnes âgées, de nombreuses femmes et même quelques enfants.

Quand la manifestation est arrivée à la hauteur du magasin Prénatal, une brusque fusillade s’est déclenchée, dans le dos des manifestants sur lesquels on tirait à la mitraillette.

J’ai vu les gens crier, tomber, dans un chaos indescriptible. Une jeune femme, portant un blouson de cuir sur le bras, s’est écroulée non loin de moi. Le sol était jonché de cadavres et de blessés dont les cris et les râles me déchiraient l’âme tandis que je restais pétrifié d’horreur.

Quand les tirs ont cessé, après une douzaine de minutes dans un non-temps qui ressemblait à l’Enfer, je me suis précipité pour porter secours, comme bien d’autres et j’ai appris, par des clameurs de désespoir, que le comble de l’abomination avait été commis dans la magasin Prénatal, où on venait de découvrir, entre autres victimes poursuivies et abattues à bout portant, une jeune femme et son bébé !

J’ai constaté, avec l’impression affreuse de vivre là un exécrable cauchemar, que les militaires présents dans les rues adjacentes étaient, en majorité, de type maghrébin, alors qu’à l’époque, tous les jeunes appelés algériens étaient mutés d’office, soit en métropole, soit en Allemagne.

L’évocation de ces événements ci-dessus cités fait saigner en moi des blessures incicatrisables dont la première réside dans le fait d’avoir été le témoin oculaire d’un massacre de patriotes français, qui voulaient seulement, au son de l’hymne national, marquer leur attachement à la Mère-Patrie et qui, pacifiques et désarmés, ont été lâchement assassinés par celle-là même à laquelle s’adressait leur ferveur.

Français d’Algérie, nous aurions tous volontiers donné notre vie pour la France, affrontant tous les périls, prêts à tomber sous les plis du drapeau tricolore, comme dans toutes les guerres au cours desquelles nous avions toujours répondu présents.


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