Comité de liaison (CLAN-R)

Secours de France :“Hors-la-loi”, hors l’histoire…

mercredi 20 octobre 2010

Se présentant tantôt comme une simple fiction romanesque, tantôt comme une contribution au débat historique, le film de Rachid Bouchareb est en réalité une apologie de la guerre civile.


Tout d’abord, il y a la colonisation : son sort est vite réglé, en quelques minutes, qui sont les premières du film de Rachid Bouchareb, film algérien (il représentera ce pays aux Oscars) tourné sur financement à 60 % français, auquel n’ont pas manqué les fonds publics.

Juste une spoliation !

Ce tableau de la colonisation se résume à une expropriation, celle de la
famille des trois “héros” du film, dont le père est chassé de ses terres,
sur présentation d’un simple papier des autorités, au profit d’un colon
français. La colonisation, c’est tout ce qu’on en verra dans le film : pas
de dispensaires, pas d’écoles, pas d’hôpitaux, pas de routes, pas de
missionnaires : juste une spoliation.

Puis, il y a les massacres de Sétif, qui occupent les dix minutes suivantes.
Là non plus, l’histoire n’a pas été le souci de Bouchareb, puisque les massacres de civils européens qui ont été la cause de la répression
sont totalement occultés. Ici, on voit des autorités françaises, police et armées mêlées, soigneusement organisées pour transformer sciemment
une pacifique manifestation pour l’indépendance en boucherie et en
ratonnade.

En deux scènes, voici comment le film a présenté la vision que le colonisateur est censé avoir eue des populations indigènes : des esclaves,
taillables et corvéables à merci, puis qu’on extermine quand ils deviennent
gênants.

Un parallèle scandaleux

Ces deux scènes n’occupent guère que 15 minutes du film, mais elles
sont essentielles. Parce que les mensonges qu’elles présentent comme
des évidences lumineuses éclairent et justifient tout le reste : la
participation des trois héros (les trois enfants de la première scène), à Paris, au “juste combat” du FLN, et surtout, les méthodes employées pour ce faire : meurtres, chantages, exécutions sommaires au nom d’une légalité fantoche, terrorisme, racket, proxénétisme même, tout est justifié à l’avance puisqu’il s’agit de répondre à la barbarie française, une barbarie qui n’a rien à envier à celle des nazis – le parallèle entre résistants français durant la Seconde guerre mondiale et combattants du FLN étant avancé explicitement à plusieurs reprises.

Laborieux et embarrassant

Le reste du film n’est que la démonstration laborieuse de ce postulat.
Laborieuse, parce que Bouchareb joue au cinéaste d’action sans en
avoir les moyens ; parce que sa reconstitution d’époque sent la naphtaline ; parce que les acteurs, gênés d’avoir à faire semblant de mal parler un français qu’ils maîtrisent en réalité parfaitement, ânonnent leur texte péniblement (mention spéciale à Djamel Debbouze, aussi peu crédible en proxénète qu’il l’était en militaire dans Indigènes, et qui ferait bien de renouer au plus vite avec le comique où réside son unique et réel talent) ; parce que justement, quoi qu’en dise le cinéaste, ce n’est pas le romanesque qui compte ici mais la démonstration, qui rend le film embarrassant comme tous les films à thèse.

D’autant plus embarrassant que la thèse n’est pas ici seulement historique, mais va contribuer à jeter du sel sur des plaies encore ouvertes.

Car il n’est pas besoin d’être grand clerc pour comprendre la leçon que
bien des jeunes spectateurs, de nationalité française mais qui ne perdent pas une occasion de brandir un drapeau algérien qui est pour
eux, aujourd’hui encore, l’étendard d’une certaine révolte, vont tirer de
ce film : contre une France qui traite si mal ceux qu’elle prétend être ses
enfants, tous les coups sont permis.

Laurent Dandrieu

Secours de France

Voir aussi l’ouvrage de Jean Monneret sur ce film.


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