Comité de liaison (CLAN-R)

Maurice Calmein- Réaction au rapport de Benjamin Stora

vendredi 5 février 2021

Maurice Calmein, Fondateur du Cercle algérianiste et Président de SOS Enfants du Liban, réagit au rapport de Benjamin Stora sur la guerre d’Algérie :

Benjamin Stora adepte du « en même temps »

Dans le rapport qu’Emmanuel Macron a commandé à Benjamin Stora pour
réconcilier les mémoires sur la guerre d’Algérie, « l’historien officiel » s’est
efforcé, pour plaire à son maître, d’appliquer la règle du« en même temps ». Il
parle de tout, ou presque, mais dans un parfait déséquilibre. Exemples : des pages
sur Maurice Audin mais une seule ligne sur le massacre de près d’un millier de
Pieds-Noirs, enlevés au hasard dans les rues d’Oran, le 5 juillet 1962, et rien sur
les centaines de femmes enlevées et disparues à jamais.

Stora évoque fantasmagoriquement des « centaines de milliers de morts côté FLN
 » mais ose se contenter de mentionner, sans plus, « des Harkis massacrés », etc.
Pourquoi ne pas parler des dizaines de milliers de Harkis désarmés par la France
sur ordre de De Gaulle puis livrés aux couteaux du FLN, égorgés, torturés, bouillis
dans des marmites, émasculés, attachés et traînés derrière des voitures.

Déséquilibre donc, mais aussi manichéisme : la plupart des livres ou des films
cités sont favorables aux indépendantistes, les seules associations pieds-noires
citées, alors qu’il en existe des centaines et non des moindres, sont deux
minuscules associations de gauche : « Coup de soleil » et « l’association des PiedsNoirs progressistes ». Et les mots employés sont savamment pesés : « Plusieurs »
fédérations d’anciens combattants (autrement dit la FNACA et l’ARAC, proches
du PCF) sont favorables à la commémoration du 19 mars mais les opposants à
cette commémoration sont « de droite » et bien sûr et surtout « d’extrême-droite
 ».

Au légitime combat du FLN, Stora oppose « les sentiments de honte et de
culpabilité de « certains » soldats », mais il ne précise pas lesquels…
Mais le petit rapporteur a omis certains sujets pourtant essentiels : l’inexistence
d’un État et d’une nation avant 1830, l’occupation ottomane et ses persécutions
contre les juifs, les milliers d’esclaves chrétiens dans la Régence d’Alger, le
caractère islamiste de l’insurrection de 1954 (il aurait pu y penser, lui qui précise
en introduction de son rapport, que celui-ci a été terminé au moment de la
décapitation du Pr Samuel Paty et de l’assassinat de trois fidèles dans une église
de Nice), le déni de souffrance infligé aux Français d’Algérie par la France et par
l’Algérie, ou encore la grande et réelle fraternisation du 13 mai 1958 et la réalité
des rapports entre les Pieds-Noirs et les indigènes.

Lui qui s’est pourtant maintes fois rendu en Algérie dans les bagages de voyages
officiels, n’a pas connu la chaleur des retrouvailles et de l’accueil par les
Algériens. Le petit échange avec des Algériens du peuple, auquel j’ai assisté en
1982 lors d’un voyage à Alger avec un groupe de Pieds-Noirs, en dit plus que tous
les discours et rapports sur les relations humaines : un Algérien s’adressant à un
Pied-Noir : « Au fait, pourquoi vous êtes partis, déjà ? » ; réaction du Pied-Noir
passablement irrité par la question : « Comment ! Pourquoi on est partis ??! » ;
réponse de l’Algérien un peu embarrassé : « Ah oui, c’est vrai, j’avais oublié… ».

Déséquilibre, omissions mais aussi interprétations frisant le mensonge, comme
dans cette allusion à des Harkis souhaitant que leurs cendres reposent en Algérie
et dont on laisse à penser qu’ils feraient ainsi allégeance au FLN. Stora n’a quand
même pas osé dire la même chose des nombreux Pieds-Noirs qui demandent
également que leurs cendres soient dispersées en terre algérienne ou en
Méditerranée.

Enfin, le rapport Stora assène ou suggère quelques « vérités » comme le mythe
d’une nation algérienne tout entière dressée contre l’envahisseur français, les
dépossessions foncières généralisées, la conquête comme cause unique de
l’engrenage sanglant des événements ou encore la distinction entre les gentils
progressistes (il va jusqu’à proposer la panthéonisation de Gisèle Halimi !) et les
méchants ultras responsables de tous les maux.

Quant aux propositions faites par Stora, elles ne sont pas moins partielles et
partiales, comme la transformation des anciens camps d’internement des
terroristes du FLN situés sur le territoire français en « lieux de mémoire »,
proposition qui, bien sûr, ne s’applique pas réciproquement aux camps de Harkis
 !
Autre proposition à la formulation curieuse : Insérer dans un décret « un
paragraphe dédié au souvenir et à l’œuvre des femmes et des hommes qui ont
vécu dans des territoires autrefois français et qui ont cru devoir les quitter à la
suite de leur accession à la souveraineté ».

Les Pieds-Noirs et les Harkis apprécieront la formule « qui ont cru devoir la quitter »… Comme s’ils avaient eu le choix alors que des dizaines de milliers d’entre eux furent assassinés après le 19 mars 1962 ! C’est, par ailleurs, cette date du 19 mars, anniversaire des sinistres Accords d’Evian, jamais appliqués, que B. Stora propose de continuer à commémorer solennellement pour marquer la fin de la guerre d’Algérie…

Alors qu’il y eut davantage de morts après cette date très contestée et que seul François Hollande, contrairement à tous ses prédécesseurs, avait accepté d’ériger en journée officielle !

Non, décidément, ce n’est pas ce rapport qui permettra la réconciliation des mémoires. Mais pouvait-il en être autrement en confiant ce travail à un historien très contesté, ancien trotskyste et nommé par Hollande Inspecteur général de l’Education nationale en récompense de sa loyale contribution à l’élaboration de la doxa sur l’histoire de l’Algérie.


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