Comité de liaison (CLAN-R)

Charles de Foucauld, notre frère du désert, canonisé à Rome le 15 mai 2022

jeudi 7 juillet 2022

Il fait très chaud place Saint Pierre ce jour-là. Pourtant, dès l’aube, les fidèles affluent, de France surtout, pour assister à l’événement attendu et préparé depuis près d’un siècle : l’entrée du père de Foucault dans la Communion des saints de l’Eglise catholique .

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Le vicomte Charles de Foucault naît à Strasbourg en 1858.Très tôt orphelin, il est élevé par son grand-père maternel, le général Charles de Morlet, qui l’invite à s’engager dans la carrière militaire. Il entre à Saint Cyr en 1876, sans conviction, et mène alors une vie dissolue livrée à tous les excès ; le jeune officier est habité par le vertige des sens et hanté par le vide intérieur.

Il part servir en Algérie et démissionne au bout de trois ans. Mais il est conquis, fasciné par ces terres chaudes et lumineuses où souffle un esprit qu’il ne reconnaît pas encore. Il ne cessera jamais d’étudier avec une rigueur que tous les spécialistes reconnaîtront, la géographie, la topologie, l’ethnologie, les langues d’Afrique du Nord et des immenses déserts du grand Sud algérien.

De retour en France, à l’occasion d’une confession avec l’ abbé Huvelin, vicaire de Saint-Augustin, à Paris, c’est la révélation : Dieu l’attend, plus précisément Jésus, son modèle et son frère. Sa décision est prise, elle sera irrévocable : il marchera sur les pas de Jésus, Jésus de Nazareth.

Après un voyage en Terre sainte, il entre à la Trappe et commence son noviciat au monastère de Notre-Dame-des-Neiges en Ardèche ; il le poursuit au couvent trappiste d’Akbès, en Syrie, où il travaille de ses mains et prie nuit et jour. Le frère Marie-Abéric veut occuper la dernière place.

La hiérarchie catholique l’envoie étudier la théologie à Rome, et il a dû maintes fois traverser cette place où, aujourd’hui, près de cent mille pèlerins se pressent autour du pape François pour l’honorer du titre absolu et définitif de saint, lui qui refusait tous les honneurs … et ne trouvait sa place dans aucun cadre institutionnel.

Il ne se sent pas à sa place à Rome et on l’autorise à partir en Orient vivre sa vocation selon sa loi propre. Il se réfugie à Nazareth au couvent des Clarisses où il sera jardinier, vivant d’eau et de pain, lisant, méditant, priant dans ce qui est devenu son ermitage. Il prend pour nom Charles de Jésus et choisit pour emblème un cœur rouge surmonté d’une croix. Ce sera pour toujours sa signature. Il est ordonné prêtre à Viviers le 9 juin 1901 afin de pouvoir offrir le Saint Sacrement à ceux qu’il aura convertis. Il rêve de fonder une congrégation : les ermites du Sacré-Cœur de Jésus.


Il part dans le désert du Sahara pour vivre auprès des plus pauvres car « c’est dans le désert qu’on se vide, qu’on chasse de soi tout ce qui n’est pas Dieu ». Il s’installe dans l’oasis de Béni Abbès, à mille deux cents kilomètres au sud-ouest d’Alger, près de la redoute des militaires ; ceux-ci l’aident à construire sa modeste « Fraternité » sur un terrain qu’il a été autorisé à acheter. Le général Lyautey lui rend visite ; il est impressionné par la force d’âme du serviteur de Jésus.

Il vit dans la plus grande sobriété, seul, sans compagnon ni disciple, porte sans relâche assistance aux pauvres, les soigne, lutte en vain pour pouvoir racheter des esclaves ou construire des hôpitaux. Il ne convertit personne. Mais il est là, témoin estimé et respecté : il est « le marabout blanc ».

Au cours d’une mission militaire d’apprivoisement de la population que Charles de Foucauld a accompagnée, il a découvert le Hoggar. Fasciné par les paysages grandioses et le peuple touareg, il décide en 1905 de s’installer à Tammanraset, village de vingt feux au bord d’un oued. Il y construit son ermitage : une chapelle et une hutte de paille qu’il nomme « la Frégate ». Il poursuit son apostolat au mépris de sa santé qui peu à peu décline. Lorsqu’il tombe malade en 1908, affaibli par les privations et les travaux, découragé par un apostolat apparemment stérile, les touaregs se mobilisent pour le nourrir de lait de chèvre qui manque pourtant cruellement en ces temps de sécheresse. Il guérit, et désormais « s’abandonne à la sainteté ».

« i> Je sème et d’autres récolteront » , dit-il , humble et confiant.

Car il vit au plus près des Touaregs dont il apprend avec passion la langue, les usages, les contes, les poèmes, les rites, les itinéraires. Pour être « l’évangile vivant » qu’il veut incarner, il importe de connaître et comprendre le prochain. Il s’y emploie, tout en privilégiant l’oraison et la méditation spirituelle . Il prend sans cesse des notes et réussit à terminer en 1914 son Dictionnaire français-touareg des noms propres, travail d’une grande précision scientifique, qui sera publié en 1940 . Ses deux mille pages manuscrites d’observations sur la géographie, l’histoire, la culture, l’ethnologie et les conditions de vie des touaregs seront rassemblés en 1951 dans le grand Dictionnaire touareg-français, qui est une véritable encyclopédie.

La sécurité de la région n’est pas assurée car les Sénoussistes, membres d’une confrérie radicale hostile à la présence française au Sahara, multiplient les attaques. En 1915, Charles a demandé à l’armée de l’aider à construire un fortin pour protéger les habitants de Tammanrasset et leurs récoltes ; à partir de juin 1916 il vit, prie et écrit dans le bordj. Il ne peut plus rejoindre l’ermitage qu’il a fait construire à plus de deux mille sept cents mètres d’altitude sur le haut plateau de l’Assekrem à cinq jours de marche de Tammanrasset.


Charles n’a passé que cinq mois entre ciel et roche dans la cabane de pierre où « chaque matin le soleil surgit de la montagne éternelle comme une hostie ». «  J’ai peine à détacher mes yeux de cette vue admirable dont la beauté et l’impression d’infini rapprochent tant du Créateur, » écrit-il. De 1972 à 2018, c’est le frère Edouard, petit frère de Jésus, qui maintiendra une présence chrétienne dans l’ermitage.

1er décembre 1916. Un homme qui dit porter un courrier frappe à l’unique porte du bordj. Charles ouvre, on le tire dehors, les pillards entrent dans le fort. Des méharistes apparaissent et c’est l’affolement : celui qui tient Charles ligoté tire à bout portant sur son prisonnier. Charles de Foucauld s’effondre devant sa porte. Il sera enterré à Tamanrasset, sous une croix de bois.

« Si le grain de blé tombé à terre ne meurt pas, il demeure seul ; s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. » ( Jn, 12,24)

C’est grâce aux ouvrages d’Hervé Bazin et à la publication en 1923 des Ecrits spirituels de Charles de Foucauld que plusieurs communautés voient le jour et se répandent dans le monde entier. Toute une famille spirituelle formée de très nombreuses congrégations, fraternités et institutions se réclament de la vie et de l’œuvre de Charles de Foucaultd et perpétuent la flamme allumée dans le désert par le frère universel du Hoggar.

Son procès en canonisation, ouvert en 1925, s’est poursuivi pendant un siècle. Béatifié en 2005 suite à une guérison miraculeuse attribuée à son intercession, il est canonisé grâce à un miracle survenu pour le centième anniversaire de sa mort. Le procès en canonisation a été suivie par le père Bernard Ardura, de l’ordre des Prémontrés, qui a œuvré au succès de la postulation. Aujourd’hui il a pour projet de valoriser les écrits spirituels du père de Foucault en lui octroyant le titre de docteur de l’Eglise, « Docteur de la fraternité universelle », le précepte qui guida sa conduite : « Je veux habituer tous les habitants chrétiens, musulmans, juifs et idolâtres , à me regarder comme leur frère, le frère universel. »

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Depuis quelques jours, à Rome, un vent venu du sud dépose une fine couche de terre rouge ; elle traverse la mer et le temps, nous parle de celui qui a tout donné par amour de Dieu, qui a tant semé que partout dans le monde des êtres espèrent, aiment et prient en son nom : il est notre frère.

Christine Lacan


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