Comité de liaison (CLAN-R)

Le drame des Harkis : Témoignage du Général François Meyer

jeudi 12 novembre 2009

Le Général Meyer, Lieutenant, chef de Harka pendant la guerre d’Algérie, nous livre ce témoignage :

Lieutenant en Algérie, j’ai servi pendant quatre années au 23ème régiment de spahis en Oranie, de 1958 à 1962, dans une unité où le concours des algériens musulmans était considérable et j’ai commandé successivement deux harkas, en tant que chef de commando du Secteur opérationnel à Géryville, puis à Bou Alam toujours en Sud-Oranais. Je crois avoir connu une guerre dont la réalité a échappé à de nombreux Français, la guerre civile entre les Algériens au moment de la décolonisation.

Au milieu des combattants musulmans, j’ai donc vécu la dissolution des harkas, c’est‑à‑dire leur désarmement et leur démobilisation. Avec les spahis de mon commando, militaires engagés, qui avaient refusé la rupture de leurs contrats, et donc le désarmement, j’ai pu assurer la protection des familles des anciens supplétifs en attente de départ pour la France, les aider dans les formalités administratives qu’ils devaient accomplir, et témoigner de ce` que ces anciens soldats étaient réellement menacés dans leur vie, puisque c’était à cette condition seulement que les autorités militaires avaient reçu l’ordre de prendre en compte les demandes de transfert en métropole.

J’ai participé à l’organisation d’un premier convoi vers la France le 13 juin 1962 qui est arrivé au camp du Larzac le 16, et j’ai moi‑même accompagné un deuxième et dernier convoi le 9 juillet, qui est arrivé au camp de Sissonne le 16 juillet 1962.

Ce qu’ont vécu en 1962 les anciens supplétifs et les anciens engagés, tous soldats de la France, ne doit pas être éternellement caché. Il est important que l’histoire de cette période soit établie dans toute sa vérité. Aujourd’hui, les revendications des fils et des filles de harkis sont d’abord des exigences de considération et de dignité. Il n’y aura pas pour eux de paix sociale tant que l’opinion publique restera dans l’ignorance de ce qui s’est passé.

C’est un devoir de vérité et de réhabilitation sans équivoque que la France doit s’imposer. Les historiens et les chercheurs ont ici un travail important à mener.

Aujourd’hui par exemple, on continue d’écrire ou de dire que les propositions faites aux supplétifs en 1962 organisaient "leur libre choix" ou que les transferts en France réalisés dans le cadre d’initiatives individuelles étaient couverts par les Autorités. Ce n’est pas la vérité. En prenant connaissance de ce qui s’est réellement passé, des directives qui ont été effectivement données, ou des modalités de leur application sur place, on portera j’en suis sûr le jugement qui convient......

Par exemple au début du mois de mai 1962 , les transferts en France ne sont toujours pas organisés. Il n’est pas alors étonnant que certains cadres, officiers des S.A.S. ( Sections administratives spécialisées ) en particulier, aient pris l’initiative de la protection de leurs anciens subordonnés et de leur mise à l’abri en France.

On connaît la réaction du Ministre d’Etat, Louis Joxe le 12 mai  : ( extraits )

N° 1676 - à Haut Commissaire de la République en Algérie - 12 mai 1962.

"Les renseignements qui me parviennent sur les rapatriements prématurés de supplétifs indiquent l’existence de véritables réseaux tissés sur l’Algérie et la Métropole dont la partie algérienne a souvent pour origine un chef de S.A.S.... Vous voudrez bien faire rechercher, tant dans l’armée que dans l’administration les promoteurs et les complices de ces entreprises et faire prendre les sanctions appropriées :

Les supplétifs débarqués en Métropole en dehors du Plan Général de Rapatriement seront en principe renvoyés en Algérie ...

Je n’ignore pas que ce renvoi peut être interprété par les propagandistes de la sédition comme un refus d’assurer l’avenir de ceux qui nous sont demeurés fidèles. Il conviendra donc d’éviter de donner la moindre publicité à cette mesure... »

signé : Louis Joxe

................A partir du 5 juillet les massacres organisés ont débuté dans toutes les régions d’Algérie. Les archives le montrent abondamment. Le Commandant Supérieur en Algérie en rend compte les 6, 19, et 24 juillet.

La presse également le relate " A partir du 10 juillet, tous les anciens harkis, moghaznis et autres partisans armées ou non de la France ont été arrêtés en masse, en Oranie en particulier." ( Le Figaro, 28 juillet.)

Général François Meyer .

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Témoignage intégral du Général François Meyer

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