1961, année charnière ?- Michel LAGROT
Mais pouvait on faire confiance aux historiens ? pour réponse on citera M.Jauffret, pourtant réputé sérieux, prétendant dans le débat que les villages de regroupement ouverts par l’Armée déplaçaient 2 millions de personnes ! chiffre exorbitant et totalement faux, complété par une description, tout aussi fantaisiste, les assimilant à des camps de concentration…. Cependant ces considérations militaires ont donné lieu à des échanges instructifs : dont le concept de « guerre dissymétrique » exposé par un spécialiste des guerres subversives ; nous avons subi une guerre non déclarée entre une puissance classique technique et une organisation idéologique sans règles ni morale : ce type de conflit, d’après ce militaire, peut être gagné mais à condition de sortir de la règle démocratique. Pour nous, c’est enfoncer une porte ouverte, mais c’est dire aussi que nous étions condamnés à perdre.
Difficile aussi de faire confiance aux historiens lorsqu’on entend l’un d’eux déclarer froidement qu’en 1961 l’OAS a fait plus de morts que le FLN ….
Les lieux communs sur les « citoyens de seconde zone » ne nous ont pas été épargnés, sans que personne mentionne que chacun pouvait sortir du « statut personnel » à tout instant et jouir de la citoyenneté française sans restriction, sans que personne non plus n’évoque la quadrature du cercle qu’était ( et est encore ) la coexistence du droit islamique et du droit commun français.
Des documents nous ont rafraîchi la mémoire sur la palinodie des premières négociations officielles de 1961 avec le GPRA à Evian, et l’échec que l’on sait ; saisissante interview de Louis Joxe, liquéfié après l’humiliation que lui avaient fait subir les Barbaresques, arrogants jusqu’à l’insulte…. De même les discours de De Gaulle à l’époque, son éclatant cynisme, son mépris affiché pour le passé et pour les hommes, sa démagogie, ses mensonges et hélas, les applaudissements des foules à son verbe : cela ressort fort bien, malignement mis en valeur par les responsables de l’émission.
Et puis, bien sur, après le pseudo putsch d’avril, réactions à chaud des officiers gaullistes et de quelques furieux du contingent, révélateurs du climat de guerre civile fabriqué par le général. D’ailleurs seuls ont été sollicités des militaires violemment hostiles à l’Algérie française , ou au mieux de ceux « qui ne savaient pas ce qu’ils venaient faire là » : question que, curieusement, les 173 000 Pieds noirs de 1943 ne s’étaient pas posée en Italie ou dans les Ardennes…