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Renée Antoine par Odette Goinard
Renée accomplira un parcours hospitalier et universitaire sans faute, affrontant successivement le concours de l’externat (1920), puis de l’internat (1922). Elle exercera presque constamment ses fonctions hospitalières dans le service du professeur Cange, grande figure du corps hospitalier d’Alger et célèbre pour son caractère emporté, mais aussi son grand dévouement pour les malades. Elle assure la direction du service ophtalmologique durant quatre ans. Le 23 juin 1924 elle soutient sa thèse de doctorat. Un an plus tard elle ouvre à Alger un cabinet de spécialité de maladie des yeux, rue de Mulhouse.
En 1939, elle est chargée d’assurer dans le département d’Alger l’intérim de confrères mobilisés. C’est ainsi qu’elle s’efforce de lutter contre les fléaux oculaires dans les secteurs de Tizi-Ouzou, Miliana, Médéa et dans la banlieue d’Alger.
En 1942, elle est appelée par Gaston Averseng, maire d’El-Affroun, qui avait créé un centre social de grande envergure, dont un hôpital-dispensaire géré par un médecin et une communauté de sœurs blanches. Elle s’y rendra deux week-ends par mois pour soigner les maux oculaires. C’est ainsi qu’elle fait, à sa grande joie, ses premières armes d’ophtalmie rurale.
Parallèlement à ses nombreuses activités, elle avait découvert en 1934 le Sahara, par un hasard qu’elle qualifiera plus tard de providentiel. En effet, appelée au M’zab par un commerçant fortuné pour se rendre au chevet de sa mère affligée d’un trachome depuis l’enfance, elle avait effectué un voyage de 650 km à travers les pistes et opéré la malade avec succès. Cette approche du grand Sud algérien fut pour elle une révélation. Le spectacle navrant de ces aveugles, de ces enfants aux yeux envahis de mouches et de pus, de ces femmes recluses qui, faute de soins, sombrent dans la nuit, lui est intolérable. Elle ne peut rester impassible devant une telle misère. Alors germera dans son esprit l’idée qu’il faut soulager ces pauvres gens.
Ses projets ayant été différés par la guerre, ce n’est que dix ans plus tard, en 1944, que survient un deuxième épisode l’appelant de nouveau dans le Sud. Cette fois c’est pour venir en aide à l’infirmerie de Laghouat, tenue par la communauté des Sœurs blanches, complètement débordée par l’afflux des patients atteints d’affections oculaires. Cette mission officieuse se déroulera de façon très satisfaisante.
En 1946, elle est envoyée, cette fois en mission officielle, dans les territoires du Sud pour combattre une grave épidémie d’ophtalmie. Assistée du docteur Legroux, elle se rend à bord d’un avion militaire, d’abord à Ghardaïa, puis à Laghouat. Les deux oculistes donneront plus de 400 consultations et procèderont à 74 interventions chirurgicales.
C’est ainsi qu’est créée officiellement la mission ophtalmologiste saharienne dont le mérite revient essentiellement à Renée Antoine qui, à force de volonté, a su faire tomber les obstacles qui se dressaient sur sa route. Avec le soutien du gouverneur général de l’Algérie, le projet établi par les docteurs Antoine et Legroux se réalise. Sont mis à leur disposition deux camions, l’un équipé d’une salle de consultation, l’autre d’une salle d’opération. Ces véhicules entrent pour la première fois en fonction le 26 décembre 1948 à Tadjmount.
C’est le début de l’aventure saharienne par celle que l’on a pu surnommer « la nomade de la charité ». Sa connaissance de la langue arabe lui facilitera le contact auprès des malades.