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RENE MAYER : Le statut de l’Algérie. Effets pervers du double collège
Le second aspect n’a jamais été dénoncé alors qu’il a probablement joué un rôle encore plus néfaste que le premier. La séparation des électeurs en deux collèges favorisa les extrêmes et handicapa terriblement l’émergence d’une Troisième force.
Contrairement à ce qui a fréquemment été soutenu, cette Troisième force existait dans les esprits. On peut même soutenir qu’elle était majoritaire dans l’opinion. La plupart des Européens étaient conscients que l’Algérie devait politiquement évoluer. .
La fameuse fraternisation du Forum que tant de bons esprits ont aussitôt dénoncée comme étant "artificielle", traduisit au contraire et conjugua les aspirations les plus profondes des deux parties. L’Armée en fut en effet l’architecte. Mais pas du tout comme on l’a bassement prétendu, en allant ramasser plus ou moins de force les populations de banlieue et les prostituées des quartiers réservés.
Encore l’un de ces mensonges qui mérite de concourir au florilège déjà très disputé des contrevérités médiatiques sur l’Algérie au temps des Français ! Non. Ce jour-la, j’étais sur le Forum. D’un seul coup, l’Armée a transformé le rêve en réalité, faisant converger les attentes des deux parties. Les Français-Musulmans désiraient bénéficier de la considération, du respect et de l’égalité avec les Européens. L’Armée s’est engagée à les leur fournir. Les autres, les Européens voulaient la sécurité. Personne n’était plus crédible que l’Armée française pour leur promettre de l’établir.
Ce jour de fraternisation sur le haut lieu de l’Algérie qu’était le Forum d’Alger, le comportement de l’Armée a été proprement révolutionnaire. À la campagne, elle avait déjà en grande partie réussi à atteindre ses objectifs de paix grâce aux SAS. C’est d’ailleurs probablement dans les SAS que, par son action économique et sociale, elle a pris goût à une action qui n’était plus seulement l’exercice de la force armée (telle que les Américains tentent plus ou moins vainement de la déployer de nos jours en Afghanistan) mais une action globale, à la fois éducative, sociale, économique et de santé publique, qui devait nécessairement déboucher un jour sur une action politique.
Deux forces antagonistes mais complices, l’extrémisme du "groupe d’Oujda" et la volonté gaulliste d’orienter la France dans une tout autre direction, allaient en quelques mois et malgré sa victoire sur le terrain, obliger l’Armée à renoncer à atteindre des objectifs qui lui étaient apparus à portée de la main.
Il a manqué à l’Algérie un Mandéla pour saisir occasion qui s’est présentée lors de la fraternisation du Forum. Mais comment un Mandéla aurait-il pu émerger du système du double collège ?Dans les deux camps, celui-ci donnait l’avantage aux surenchères des extrémistes.
En revanche, les modérés qui auraient pu recueillir des voix dans les deux communautés en étaient empêchés par la cloison étanche érigée entre les deux collèges. Il structurait un fossé que les nationalistes partisans de l’action armée et du terrorisme urbain allaient chercher à élargir.
L’assassinat du neveu de Ferhat Abbas et les tentatives d’assassinat du député apparenté socialiste Benbahmed ainsi que de plusieurs autres personnalités modérées moins connues le 20 août 1955 à Constantine, ainsi qu’un peu plus tard l’assassinat du sénateur de Kabylie Benhabylès, furent la traduction sur le terrain de la volonté des extrémistes du FLN de ne laisser aucune chance à une Troisième force d’émerger.
Rene Mayer
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