Marie-Claire MICOULEAU. Les médecins français au Maroc
Préface du professeur Bernard Debré,
au livre de Marie-Claire Micouleau-Sicault
À l’époque où il est de bon ton de s’autoflageller, de battre sa coulpe, pour s’excuser, tantôt de l’inquisition, tantôt de la Saint-Barthélémy, tantôt des croisades, le témoignage de Marie-Claire Micouleau-Sicault sur l’œuvre accomplie par les médecins de la coloniale est tout à fait fondamental.
En effet, la France n’a pas à rougir de l’action de beaucoup de ses enfants dans les colonies, qu’il s’agisse de l’Afrique du Nord, qu’il s’agisse de l’Afrique Noire, qu’il s’agisse de l’Asie. Et s’il en est qui doivent obtenir une mention particulière ce sont bien les médecins de la coloniale. De haut en bas de la hiérarchie, ils ont arpenté les médinas, les déserts, les souks. Ils ont été les premiers serviteurs de l’homme dans ces pays souvent déshérités.
Et c’est là qu’apparaît comme un grain de lumière le Dr Georges Sicault qui a été Directeur de la Santé Publique au Maroc de 1946 à 1956. C’est lui qui a organisé la défense contre les épidémies, c’est lui qui a complété les équipements sanitaires et c’est lui enfin qui a développé le service médico-social avec les PMI (protection maternelle infantile), l’hygiène scolaire, l’éducation sanitaire etc.
Quand on voit l’immense travail qui a été fait par Georges Sicault on ne peut être qu’admiratif. En effet cet homme est issu d’une famille modeste, son père était né à Lezay, dans les Deux-Sèvres d’une famille d’ouvriers agricoles. La République fonctionnait vraiment, elle permettait au plus humble d’accéder à la conniassance, la République permettait aussi à ceux qui en avaient la vocation de réaliser leur rêve, leur volonté d’aller servir. C’est ainsi que le père de Georges Sicault est parti en Tunisie comme professeur au lycée Carnot de Tunis où il enseigna le français et l’histoire romaine, quelle aventure ! Quelle merveilleuse aventure !
C’est donc à Tunis qu’est né Georges Sicault, c’est là qu’il décida d’être médecin et voici de nouveau la République française qui aide, qui entoure, qui conseille et c’est au nom de cette République que Georges Sicault a été nommé au Maroc ; c’est pour la République et pour les Marocains qu’il a commencé sa carrière et qu’il a transformé l’état sanitaire du Maroc.
On ne peut imaginer quel était cet état sanitaire au début du siècle. Oh ! Certes il n’était pas brillant non plus en France car les grandes découvertes médicales n’ont eu lieu qu’à la fin du XIXe siècle et pendant la première moitié du XXe siècle. Mais dans quel état terrifiant était l’Afrique, le typhus, la syphilis, les infections, les épidémies. La mortalité infantile était épouvantable, l’espérance de vie extrêmement faible. Comment construire une démocratie ? comment construire un royaume ? Comment construire la modernité alors que les enfants meurent et que les parents vivent peu ?
Oui c’est l’œuvre des Français que d’avoir aidé ces pays africains à accéder à un minimum de santé publique. C’est l’œuvre de Georges Sicault et de tant d’autres ; Les Marocains ne s’y sont pas trompés et quand aujourd’hui encore un Français va au Maroc il est toujours bien reçu. Cet amour entre nos deux pays existe et existera tant que nous nous en rendrons dignes. Mais nous avons des devoirs, devoirs de présence, devoirs de vigilance, devoirs d’aide car dans le monde actuel si torturé, si égoïste, il faut que nous prenions exemple sur ces médecins, ces ingénieurs, ces instituteurs français qui sont allés dans les pays africains pour apporter leur savoir et pour partager.
Il faut que nous prenions exemple sur ces hommes et ces femmes, sur leur abnégation, sur leur volonté, sur leur enthousiasme car nous avons l’impérieuse nécessité de faire en sorte que le monde tel que nous le vivons soit plus solidaire. Malheureusement, il n’est qu’à étudier certaines courbes de richesses, certaines courbes de mortalité, pour s’apercevoir qu’une partie du monde régresse alors que l’autre progresse de façon spectaculaire. Oui l’écart entre les riches et les pauvres se creuse toujours plus profondément et à l’aube de ce XXIe siècle il est important que nous puissions redonner à l’homme ses lettres de noblesse, redonner à l’homme son sens dans la vie, et la plus grande action que peut mener un homme c’est celle qui entraîne la solidarité et le partage.
C’est pendant son séjour marocain que mon grand-père Robert Debré a rencontré Georges Sicault. Très rapidement une amitié forte s’est installée entre ces deux hommes hors du commun. Robert Debré s’est intéressé à l’œuvre de Georges Sicault en Afrique, l’a aidé, l’a poussé, l’a conseillé. Après la Deuxième Guerre mondiale, Robert Debré avec un certain nombre de médecins a voulu faire plus encore et il a créé l’UNICEF. C’était à l’évidence une nécessité pour que non seulement il y ait un peu plus de bonheur parmi les enfants mais aussi un peu plus d’aide à travers le monde.
Et c’est bien entendu naturellement également que Georges Sicault a été admis à faire partie de ces hommes de l’UNICEF de 1956 à 1970 il a été le Directeur Général Adjoint de l’UNICEF en poste à New-York. Quelle vie extraordinaire au service des autres ! Quelle vie extraordinaire au service de la France !
Ce livre est une merveille car il manie la douceur de l’écriture avec l’âpreté des réalités mais il s’en dégage tellement, tellement d’admiration qu’il est beau à lire.
Bernard Debré
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