Lettre ouverte d’Anne Cazal à Monsieur le député-maire de Toulouse, Pierre Cohen
Mais nous étions des hommes, des êtres humains ! Nous ne pouvions endurer sans broncher les attentats, les enlèvements qui se multipliaient et qui n’étaient pas seulement imputables au FLN, mais bien souvent aux barbouzes gaullistes, ces mercenaires, condamnés de droit commun, sortis tout droit des prisons françaises pour détruire, en Algérie, le parti de la France …
« Fin de la guerre d’Algérie » a osé déclarer l’un des récipiendaires de « la médaille du cinquantenaire du 19 mars » (parce que vous avez osé créer une « médaille du cinquantenaire du 19 mars », en oubliant que les médailles gagnées au feu par les Français d’Algérie d’origine musulmane, en vrais combattants, pendant les deux guerres mondiales, le FLN les leurs a fait avaler avant de les égorger, et ceci aux portes des casernes où les troupes françaises étaient consignées sur ordre du Chef de l’Etat français !).
Fin de la guerre d’Algérie !… Et Bab-el-Oued ? Et la rue d’Isly ? Et le génocide d’Oran ? Et l’extermination, non seulement ders Harkis, mais de villages entiers où ils se réfugiaient (de l’aveu même de Bouteflika !) Budapest ? Varsovie ? Massacre des innocents ? Shoa ? Ou toutes ces atrocités à la fois ? Il n’est pas possible, Monsieur le Député Maire, à moins que vous soyez trop jeune, que vous n’ayez jamais entendu ces plaintes déchirantes, ces râles désespérés, ces implorations pitoyables, retransmises pourtant, sept jours après ce que vous appelez le cessez-le-feu en Algérie, sur les ondes de radio Luxembourg et d’Europe 1… Quels crimes avaient commis les hommes, les femmes, les vieillards et les enfants qui furent massacrés lors de la manifestation de solidarité du 26 mars 1962 ? Celui d’être français et d’oser le dire !
Est-ce que 5 juillet 1962 et jours suivants à Oran auraient disparu du calendrier comme de la mémoire des hallucinés qui prétendent que la guerre d’Algérie se serait terminée le 19 mars … Madame Sallaberry, officier en retraite et ancienne chancelière de l’armée française, était en fonction, à cette époque, au Bureau des exactions de l’Ambassade de France à Rocher Noir : elle affirme sous serment que le nombre des victimes du pogrom de cette sinistre journée et de celles qui ont suivies est plus proche de 4.000 que de 3000 !... Et cet ethnocide a été perpétré en toute impunité, le Général Katz ayant consigné toutes les troupes françaises pour obéir à l’ordre criminel reçu de l’Elysée : « Surtout, ne bougez pas ! ».
La France ne s’est pas beaucoup préoccupée du sort de ses disparus. Elle en a caché l’horreur tant qu’elle a pu. Il a fallu qu’en 1971, par une déclaration solennelle à la presse, le Chef de l’Etat algérien, le colonel Boumedienne, en bon héritier des pirates du temps de la régence turc, déclare que son pays détenait toujoursUN GRAND NOMBRE D’OTAGES FRANÇAIS, indiquant que, lorsqu’il le faudrait, il en communiquerait la liste exacte, mais que POUR LA LIBERATION DE CES OTAGES, LA FRANCE DEVRAIT Y METTRE LE PRIX … Ce qu’elle n’a pas fait.. Et le monde moderne, dit humaniste, ne s’est pas indigné de telles ignominies…
J’ose espérer, bientôt un demi-siècle après le drame du 19 mars, que tous ceux qu’on a appelé « les disparus » sont morts, comme le sont aussi tous les musulmans du parti de la France, et je n’évoque pas seulement les Européens ou les Harkis, Moghaznis, ou fonctionnaires musulmans… J’ose espérer que le fleuve de sang ouvert le 19 mars 1962 n’est plus qu’un immense charnier où se décompose, avec la dernière flambée du patriotisme français, les restes de près de deux cent mille êtres humains qui aimaient la France et qui sont morts à cause de cet attachement…
Et puis, Monsieur le Député Maire, lorsqu’on accepte la charge d’une députation, il me semble qu’au plan légal, on devient, sinon garant, du moins gardien de la Constitution française. Vous, bien au contraire, vous voulez en afficher la violation sur les murs de la ville dont vous êtes le premier magistrat ! En voulez-vous les preuves ?
Charles De Gaulle, chef de l’Etat français de l’époque, a commencé par violer cette loi incontournable voulue et votée spontanément par le peuple français le 28 septembre 1958, portant sur l’intégrité du territoire national… Ayant l’obligation de respecter ce vote, le Chef de l’Etat n’a pas appliqué la volonté du peuple puisque, après trois ans de manœuvres politiciennes contraires à celle-ci, il a exclu du vote concernant le sort de cette partie du territoire national appelée Algérie, tous les Français à part entière qui y résidaient alors que leurs vies et leurs biens étaient justement mis en jeu par ce vote…
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