Comité de liaison (CLAN-R)

JACQUES AUGARDE NOUS A QUITTES LE 19 JUILLET 2006

dimanche 19 juillet 2020

SOUVENONS-NOUS

Jacques Augarde a été un soldat, il a été un homme politique de grande stature, un homme de lettres, un combattant de la Justice, un homme de cœur.

Soldat, après la campagne d’Italie, le 19 août 1944, à la tête de ses Tabors il est parmi les premiers à débarquer à Saint-Tropez pour libérer la Provence. Cité à deux reprises, il sera fait chevalier de la Légion d’honneur.

Homme politique, il sera membre de l’Assemblée constituante, député, sénateur, maire de Bougie, conseiller général d’Akbou, membre du conseil économique et social, ministre ; il sera le seul ministre chargé des Affaires musulmanes que la France ait connu ; il a pris une part active à la mise sur pied de l’assemblée algérienne et à l’élaboration du nouveau statut de l’Algérie.

Homme de lettres, écrivain, poète, auteur de nombreux ouvrages, membre de l’Académie des sciences d’Outre-Mer, membre de l’Académie de Languedoc dont il sera le Président, il est aussi un grand protecteur des arts.

Mais c’est surtout l’homme de fidélité que je voudrais évoquer.

Né à Agen en 1908, Jacques Augarde a aimé profondément la terre occitane, mais cela n’a pas empêché un immense attachement à l’Afrique du Nord qu’il a gagnée, au sortir des geôles espagnoles, pour s’engager dans l’Armée d’Afrique.

Jacques Augarde est un constructeur, il regarde toujours devant lui, mais il le fait dans le respect attentif du passé, dans la fidélité.

Dans le respect de ceux qui l’ont précédé et de ceux qui l’ont accompagné et, avant tout, ses chers Tabors. Ces Tabors marocains avec lesquels il a participé à la bataille du Mont Cassin, avec lesquels il est entré dans Rome, avec lesquels il a combattu en Provence, en Alsace, en Allemagne et jusqu’à Berchtesgaden. Lui, leur officier, leur protecteur, il leur a été fidèle totalement, leur consacrant des ouvrages dont on tira un film.

Fidélité au Maroc, à l’Algérie, à cette Algérie qu’il a
si bien servie, comme l’ont fait d’ailleurs, avant lui, son père et son grand-père, tous deux médecins généraux.

Fidélité à sa chère ville de Bougie qui l’avait adopté
et en avait fait son édile. Cette fidélité, il l’a manifestée jusqu’au bout.

Que les bougiotes ont eu de chance de l’avoir comme maire !

Il a œuvré pour eux inlassablement, permettant un
développement économique étonnant de la ville - il a notamment obtenu que l’oléoduc d’Hassi Messaoud arrivât dans son port - menant, par ailleurs, une action sociale et culturelle remarquable et portant une attention telle aux questions d’éducation que Bougie a connu le taux de scolarisation le plus élevé de toute l’Afrique du Nord.

Il a œuvré pour les bougiotes mais aussi pour tous les autres Français d’Algérie, pour tous les Algériens.

Ces Algériens qu’il n’a jamais abandonnés. Dès octobre 1962, il fondait France-Afrique, un peu plus tard c’était le CLAN ; il se faisait un devoir impérieux d’accompagner les Rapatriés dans l’adversité, dans toutes les épreuves, et d’agir pour que justice leur soit rendue.

Car, homme de fidélité, homme de devoir, il a été aussi un homme épris de justice qui, jusqu’à son dernier souffle, a cherché à faire entendre les légitimes attentes et à apaiser les douleurs. De 1962 à 2006, il n’y a pas eu une loi, pas un un texte réglementaire qui n’ait porté sa marque, quand il n’a pas été directement inspiré par lui. Ce qui ne l’a pas empêché de gérer aussi les problèmes individuels.

Et avec quel dévouement !

Il a aidé, il a servi inlassablement, oubliant totalement de penser à lui-même, avec cette grandeur d’âme qui distingue les élus.

Lorsque l’on sait les actions qu’il n’a jamais cessé de mener, actions qu’il a entreprises avec tant d’abnégation, sans jamais se décourager, on s’étonne qu’il ait pu aussi écrire autant qu’il l’a fait, construire une œuvre, avoir une action dans le domaine artistique.

Je me garderai bien d’esquisser une liste de ses
œuvres, mais je voudrais simplement mentionner, « Milliaires », une œuvre poétique qui lui a valu un prix de l’Académie française et qui est dédiée « à ceux qui ont ouvert la route de Rome » ; dans ce recueil, chaque borne de l’épopée de ses Tabors pour libérer la France, il l’a marquée d’un poème, et sur plusieurs de ces milliaires, figure le nom d’un de ses camarades tombé au combat.

La somme de ses écrits révèle à la fois l’acuité de sa
sensibilité, la profondeur de sa réflexion et l’immensité de sa culture.

Les mots manquent pour définir une existence aussi
riche, vécue avec autant d’intensité, dans laquelle même le sport a trouvé sa place. Car il avait une passion pour le football, qu’il a pratiqué avec beaucoup de bonheur et qui l’a amené à exercer de hautes fonctions dans ses instances nationales. En somme, une vie accomplie pleinement, avec la sérénité de celui que la médiocrité a toujours épargné ; une longue ligne droite.

Un être d’exception, en somme, qui a toujours été fidèle à ses idées, n’a jamais renoncé à combattre pour elles et n’a jamais hésité, non plus, à se battre pour les idées de ses amis. Un homme d’exception, aussi, car le combattant exemplaire qu’il a été, a su renoncer à certaines victoires pour ne pas avoir à utiliser des armes qu’il jugeait indignes, faisant sienne cette pensée de Camus : « Il s’agit de servir la dignité de l’homme par des moyens qui restent dignes au milieu d’une histoire qui ne l’est pas ».

N’oublions pas Jacques Augarde qui, avec abnégation, a tant donné pour les Rapatriés et pour la terre d’Algérie.

Denis Fadda


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