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Gérard ROSENZWEIG-Oran, 5 juillet 1962 : requiem pour un massacre oublié (2/2)
Le 6 juillet, rien n’y paraît plus
Le 6 juillet, la ville est propre. Même si ça et là, quelques tueurs sont encore à l’œuvre. Les journalistes français présents sortent des bâtiments militaires où la France a assuré leur protection. Mais il n’y a plus rien à voir, ils peuvent circuler…
Dans les jours qui suivent, des hélicoptères français ramèneront d’indiscutables clichés, pris au-dessus du Petit Lac, et montrant de multiples et longues fosses parallèles en passe d’être refermées.
L’Algérie nouvelle vient de naître. Son acte de naissance est paraphé des sept cents noms des victimes françaises, sacrifiées sur l’autel du vent de l’Histoire et celui de l’anticolonialisme.
Cinquante quatre ans après, un bilan plus précis reste difficile à établir. Sans doute entre sept cents et mille deux cents morts. L’administration française, la civile aussi bien que la militaire, a tout fait pour que la vérité ne puisse sortir du puits qu’elle a contribué à fermer avec l’aide active des différents pouvoirs algériens.
Le pouvoir gaulliste ne peut être coupable. Le pouvoir algérien non plus. L’amitié franco-algérienne est intouchable. Cette perversion du silence fonctionne toujours aujourd’hui, ardemment soutenue par la gauche française.
D’abord, il fut question de 25 morts (Général Katz). Puis d’une petite centaine, un an plus tard et dans la presse parisienne. Ce nombre a plafonné ensuite à 325, pendant quarante ans, de 1970 à 2010. Sans listes nominatives précises ni recherches réelles. Il a fallu la volonté et l’obstination d’un chercheur historien pour pouvoir rompre « à titre exceptionnel » le secret des archives officielles françaises, et découvrir dans l’épouvante et l’horreur, la réalité de la tragédie du 5 juillet 1962 à Oran.
Raison d’Etat…
Sept cents morts… Au minimum. A 95%, les corps n’ont jamais été retrouvés. C’est à dire qu’ils n’ont jamais été recherchés. La France et son allié l’Algérie ne pouvant être soupçonnées d’assassinats collectifs et de complicité. Cela se nomme « raison d’Etat ».
Aujourd’hui encore et pour le nombre, rien n’est sûr, rien n’est prouvé. Seuls savent les pieds-noirs d’Oran et les vieux Algériens qui se souviennent et en parlent discrètement encore entre eux. Le sujet est devenu une bombe à retardement politique qui finira inéluctablement par exploser.
Mais les sept cents morts du 5 juillet 1962 ne sont qu’une partie d’un bilan encore plus lourd. Après la signature des accords dits d’Evian, et ne pouvant poursuivre les assassinats de pieds-noirs avec la même liberté qu’auparavant, le FLN a développé une terrible politique d’enlèvements. Pour briser, chez ce peuple, la volonté de se maintenir. Et lui imposer la seule alternative, celle de « la valise ou du cercueil… »
De ce funeste mois de mars 1962 jusqu’à mars 1963, il y a eu plus de 2 000 enlèvements effectués sur cette part de la population française. Des blédards surtout, des petits blancs qui refusaient de perdre cette terre qu’ils aimaient et qui avait été leur patrie. Parmi eux, quelques centaines ont été libérés vivants, quelques dizaines de corps retrouvés. Les autres, avec ceux du 5 juillet 1962, ont désormais leurs noms gravés sur le Mur des Disparus à Perpignan. Tel qu’il est écrit à l’entrée du monument : « C’est ici leur premier et ultime tombeau »…
Combien de temps va t-il encore falloir attendre pour que ce jour affreux trouve enfin la page toujours blanche qui l’attend dans les livres d’histoire ? Combien de temps va t-il encore falloir attendre pour que soient sondés les charniers du Petit Lac ? Combien de temps va t-il encore falloir attendre pour que s’ouvrent toutes les archives, et que la France ait la grandeur de reconnaître sa complicité dans ce crime d’abandon de son propre peuple ? Et, comme pour ceux d’Oradour-sur-Glane, recevoir en son sein la mémoire de ces Disparus qui n’avaient cessé de croire en elle. Oui, combien de temps encore ?
Réveille-toi Antigone, Créon est toujours de ce monde. A nouveau Polynice a besoin de toi…