EDITORIAL du 12 Octobre 2012
Pourquoi ?
Pourquoi le Parlement veut-il faire du 19 mars une « journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie » ?
Qui pourrait s’opposer, a priori, à une telle journée ? Qui pourrait refuser le souvenir et le recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de cette guerre et de ces combats ? Personne. Il serait donc facile sur un tel sujet de réussir une union nationale.
Oui, vraiment facile si d’aucuns ne s’acharnaient à vouloir que cette journée soit fixée au 19 mars et à aucune autre date ! Car, ne l’oublions pas, cette journée existe déjà et a été placée, sous la présidence Chirac, au 5 décembre.
Pourquoi donc s’ « accrocher » à cette date du 19 mars au détriment de celle du 5 décembre et de toute autre ?
Pourquoi vouloir absolument imposer une date conflictuelle, quand l’année compte tant de jours ?
Pourquoi la majorité présidentielle veut-elle prendre le risque d’une nouvelle cassure entre les Français ?
Pourquoi veut-elle à ce point mépriser ceux qui ont tant souffert et les familles qui encore terriblement souffrent ?
Le 18 mars 1962 ont été signés les accords d’Evian qui prévoyaient que le 19 à midi il y aurait cessez-le feu sur l’ensemble du territoire algérien. Il n’en fut rien ; aussi pour des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants la date du 19 mars marque-t-elle le commencement de l’horreur.
En effet, si le 19 mars a représenté pour la grande majorité des combattants métropolitains la fin de leur engagement, elle a surtout représenté, pour la population d’Algérie, toutes confessions confondues, pour les supplétifs de l’Armée française et leurs familles, le début de la période la plus horrible qu’ils aient eue à connaître ; elle est associée aux plus grandes souffrances, au souvenir des plus grands drames.
Dès le soir de ce jour qui était supposé être celui du cessez-le-feu, a commencé le massacre des Harkis désarmés sur ordre du gouvernement de Paris, abandonnés, empêchés de gagner la Métropole. En quelques mois, ils ont été probablement quelque cent cinquante mille à être tués dans des conditions affreuses ; très souvent les membres de leur famille l’ont été avec eux.
Dans les semaines qui ont suivi cette date, les enlèvements et les assassinats de personnes de toutes confessions se sont multipliés, pour culminer le 5 juillet 1962 à Oran, en présence de l’Armée française. A ce jour, environ 3000 civils et quelque 500 militaires, la plupart soldats du contingent, sont encore portés disparus. Leurs enfants, leurs conjoints, ne connaîtront-ils jamais le sort qui leur a été réservé ? Certains d’entre eux les attendent toujours.
Les souffrances qu’ont connues ceux qui ont perdu la vie, comme celles vécues par ceux qui ont réussi à ne pas la perdre, au cours de mois d’horreur, ne peuvent être méprisées, et encore moins niées.
Le 19 mars 1962 est la date d’un cessez-le-feu proclamé, non d’un cessez-le-feu effectif. C’est le triste anniversaire de l’abandon et de la trahison.
Ceux pour qui cette date renvoie au bon souvenir de « la quille » doivent avoir la décence de respecter ceux qui ont souffert et souffrent encore.
Le sort des Disparus civils et militaires - nous l’avons dit - n’est toujours pas connu. Quand verra-t-on notre pays agir comme l’a fait l’Argentine, par exemple ? Quand connaîtrons-nous la vérité sur le massacre des Harkis, les drames du 26 mars et du 5 juillet ? Bien des Etats ont osé créer une « commission Vérité et Réconciliation ».Plutôt que de diviser, il serait bien plus sage que notre parlement envisage la mise en place d’une telle commission.
Cela honorerait notre pays.