EDITORIAL.
Il y a 50 ans : l’exode !
Il y a 50 ans nous quittions notre terre. Souvenons-nous de cette séparation, de cet exode ; souvenons-nous de ce que nous avons vécu et rendons hommage.
Rendons hommage à tous ceux qui sont restés là-bas, ceux qui ont disparu et dont on ne saura jamais plus rien, ceux qui sont morts dans les dernières semaines de notre présence et après, souvent dans des conditions abominables, mais rendons hommage aussi à tous les autres, ceux des générations qui nous ont précédés et qui reposent sur ce sol dont ils ont contribué à faire un pays.
Il y a 50 ans. Souvenons-nous !
En vertu de ce qu’on a appelé les accords d’Evian, - des accords qui n’en étaient pas - les combats et attentats auraient dû prendre fin le 19 mars 1962 à midi. Il n’en fut rien. Bien au contraire, c’est après cette date qu’ont été connues les heures les plus sombres, les tragédies les plus atroces, les trahisons les pires.
C’est à partir de cette date que commençait le massacre des harkis et de leurs familles, massacres que d’aucuns n’ont pas hésité à qualifier de génocide. C’est le 26 mars qu’éclatait la fusillade de la rue d’Isly pendant que le quartier de Bab-el-Oued était bombardé. En avril, les enlèvements de civils commençaient à prendre une considérable ampleur et c’est ce même mois que l’exode débutait.
Les horribles massacres du 5 juillet à Oran, les disparitions, éteignaient les dernières lueurs d’espoir. En trois mois, près d’un million de personnes avaient déjà quitté l’Algérie ; après cette date, les départs se sont, évidemment, encore accélérés.
Il y a 50 ans, souvenons-nous !
Les quais du port d’Oran, ceux de Bône, de Philippeville et d’Alger ; les aéroports d’Oran-La Sénia, de Bône-Les Salines, de Constantine-Telergma, d’Alger-Maison Blanche. Souvenons-nous les heures et les jours d’attente dans des conditions épouvantables.
Les navires de la Compagnie de Navigation Mixte, de la Compagnie transatlantique ou de la S.G.T.M. qui quittaient les ports étaient surchargés.
A l’arrivée, bien peu étaient accueillis, une valise à la main, de jeunes enfants en pleurs dans les bras, des vieillards éperdus qu’il fallait prendre en charge, ils devaient faire face. Quelquefois, les conteneurs ou les cadres, très artisanaux, qui avaient emporté le maigre déménagement de ceux, bien rares, qui avaient pu obtenir d’en partager un, s’écrasaient malencontreusement sur les quais des ports, la voiture qu’ils avaient miraculeusement sauvée tombait à la mer. Là aussi, il fallait faire face.
Il a fallu subir tout cela dans la souffrance de la terre arrachée, dans l’angoisse de la terre - pour beaucoup - inconnue, dans l’appréhension de l’avenir. Dans la tristesse des amitiés perdues et des familles dispersées, dans la douleur de la séparation de populations qui ne demandaient qu’à vivre ensemble.
La folie des hommes, l’inhumanité du Gouvernement de Paris, par ailleurs incapable de faire à chacun sa place, les a chassés de leur terre, de l’unique terre sur laquelle ils voulaient vivre, celle sur laquelle leurs parents ont vécu, celle sur laquelle les leurs ont été enterrés. Les leurs, ils devaient les abandonner dans des cimetières souvent bien vite profanés et aujourd’hui dans un état, en général, lamentable.
Ceux que l’on a appelé de façon discutable les Rapatriés, ont dû trouver leur place dans une société qui n’était pas accorte, qui s’est révélée hostile, dénuée de compassion et qui est allée même jusqu’à nier qu’ils aient dû quitter leur terre. Ils venaient, paraît-il, en vacances...
Les Harkis étaient bien peu nombreux à avoir pu prendre un bateau car ils n’avaient pas eu le droit de « partir en vacances », la raison d’Etat les avait voués au massacre. Pour ceux qui purent embarquer, ce furent les camps.
Il y a eu plus que de l’ingratitude, de l’infamie, mais heureusement, il y a eu des Justes : notamment le Général François Meyer, le Capitaine Rabah Khelif , le R.P. Michel de Laparre, les merveilleux animateurs de Secours de France auxquels nous devons rendre hommage. Eux, ils étaient là !
Les Rapatriés se sont retrouvés dans une Métropole qu’ils connaissaient peu ou pas du tout ; toutes confessions confondues, ils ont retroussé leurs manches, ils ont cherché à travailler, ils ont créé, ils ont bâti. Ils ont largement contribué à la prospérité de la France de ces années-là.
Il serait temps, grand temps que justice leur soit rendu.
Le CLAN-R
le 5 juillet 2012