EDITORIAL 14 mars 2010
Comme le temps passe...
Le 19 mars revient et reviennent aussi les appels à commémorer cette date, au mépris, des souffrances vécues par tant d’hommes,de femmes et d’enfants à partir de ce jour de 1962.
Par les Harkis et leurs familles, qui par dizaines de milliers ont été massacrés après avoir été désarmés par l’Armée française, abandonnés, empêchés de gagner la Métropole.
Par les manifestants pacifiques du 26 mars, par les autres civils laissés sans protection et assassinés, par ceux, si nombreux, civils et militaires qui ont été enlevés et dont on n’a plus jamais eu de nouvelles.
Ces souffrances vécues par ceux qui ont perdu la vie, comme les souffrances vécues par ceux qui ont réussi à ne pas la perdre, au cours de mois d’horreur, sont objet de mépris, quand elles ne sont pas niées.
De tous côtés, sur le territoire français, sont inaugurées des rues et des places du 19 mars 1962, date supposée d’un cessez-le feu... A ces inaugurations s’ajoute la volonté de plus en plus marquée de donner plus d’ampleur aux cérémonies privées de commémoration de cette date et l’exigence de voir des représentants de l’Etat y participer.
Nous n’accepterons jamais cette négation de notre Histoire, nous n’accepterons jamais que des préfets, des sous-préfets, des officiers participent à de telles cérémonies, accréditant ainsi la thèse d’un 19 mars qui aurait ouvert une ère heureuse de paix.
Depuis un an que s’est-il passé ?
Des avancées concernant le plan-emploi Harkis et le surendettement, l’inscription des noms des victimes civiles d’Algérie, du Maroc et de Tunisie, à commencer par celles du 26 mars, sur le monument du Quai Branly, l’annonce de la mise en place de la Fondation pour la Mémoire.
Mais pour les autres « dossiers » qu’en est-il ?
Nos cimetières continuent de se détériorer ou d’être profanés, notre état civil attend toujours sa numérisation, nos archives ne font l’objet d’aucune discussion. le contentieux immobilier franco-tunisien n’est pas réglé et la question de l’enseignement de l’Histoire de la France Outre-mer ne fait l’objet d’aucun examen.
Le Monument aux Morts national de l’Outre-Mer et le Mémorial de Marseille, que nous voulons désormais appeler « L’Espace Albert Camus – Mémoire Vive de l’Outre-Mer et de la Méditerranée », ne sont toujours qu’à l’état de projets. La question de l’indemnisation des biens spoliés et des réparations n’est pas même à l’étude, comme s’il y avait volonté d’écarter un droit ; par ailleurs l’A.N.I.F.O.M.continue d’être dépouillée de son personnel.
Beaucoup plus grave encore, le sort des Disparus n’est toujours pas connu. Quand verra-t-on notre pays agir comme l’a fait l’Argentine, par exemple ? Quand connaîtrons-nous la vérité sur le massacre des Harkis, les drames du 26 mars et du 5 juillet ? Un pays comme la Corée du Sud, entre autres, a créé une « Commission Vérité et Réconciliation », la France osera-t-elle le faire ?
Quant aux atteintes à notre Mémoire, pourtant si fréquentes, sauf dans le cas du film-documentaire « Les porteuses de feu », elles ne provoquent pas l’indignation des pouvoirs publics ; quand elles ne sont pas le fait d’un Ministre en exercice, d’un autre représentant de l’Etat ou d’un élu appartenant à la majorité présidentielle !
Nous avions demandé quelques annonces, bien peu, avant le 14 mars 2010 ; elles concernaient la restauration et la réhabilitation de nos cimetières, la mise en route de l’"Espace Albert Camus", la constitution de la commission technique indépendante promise dans le domaine de l’indemnisation.
Rien n’est venu.
D.F.
Le 14 mars 2010