Comité de liaison (CLAN-R)

Disparition du Professeur Robert Miller...

dimanche 5 mars 2017

Universitaire, écrivain, historien, traducteur, éditeur, le Professeur Robert Miller était un membre éminent de la commission « Histoire et réalité des faits » du CLAN-R

Hommage au Professeur Robert Miller

par
Denis Fadda

Vous êtes né, Monsieur, en Toscane, cette Toscane si chère au cœur des Français, dans cette splendide et si riche cité de Lucca, Lucques, patrie de Puccini, qui ne peut laisser indifférent aucun être de culture. Bien sûr, Lucca vous a laissé vous-même si peu indifférent que, durant votre vie, vous avez éprouvé le besoin de vous y retirer régulièrement, en ses remparts, pour écrire et méditer.

Vous êtes né en cette ville puisque c’est là, en effet, que votre mère, issue d’une vieille famille du Grand Duché, femme de lettres de talent et qui sera un professeur réputé, épousa le valeureux officier qu’était votre père, venu d’Amérique en ces lieux pour contribuer - aux côtés de l’Armée d’Afrique - à la libération de l’Italie.

Après quelques années passées aux Etats-Unis, vos parents vous font le splendide cadeau de venir s’installer au Maroc et vous devenez un authentique Nord-africain passionné par tout ce qui concerne les trois pays du Maghreb. Votre maison d’édition, Enigma books, vos travaux et même des romans policiers qui ont pour cadre Alger reflètent cette passion.

Vous êtes à Paris, à partir de 1962 ; l’ indépendance de l’Algérie étant intervenue, vos parents ont choisi de s’installer dans la capitale française.

En cette ville, après deux années au Collège Stanislas, vous entreprenez, en Sorbonne et à l’Université Paris X, des études d’Histoire, qui sont couronnées par de brillants travaux, dirigés par le Professeur Charles Bloch, sur Bernanos et la politique. Vous poursuivez vos études, dans votre pays, les Etats-Unis, jusqu’ à devenir professeur, et aussi traducteur.

Mais, alors que dans les universités dans lesquelles vous enseignez, vos étudiants sont captivés par votre savoir, de grandes maisons d’édition cherchent à vous attirer à elles ; elles y parviennent, sans réussir toutefois à vous détacher complètement du monde universitaire, puisque vous continuerez longtemps à appartenir à l’Université de la Ville de New-York.

Cependant, lorsque la prestigieuse maison Macmillan, dont vous êtes vice-président, se met à s’intéresser bien plus aux marchés financiers qu’aux livres, vous considérez que vous n’y avez plus votre place et vous osez créer votre propre maison d’édition, à New-York.

Pour un coup d’ essai, c’est un coup de maître. Votre maison, spécialisée dans l’histoire contemporaine, et dans les œuvres ou travaux historiques d’importance, s’impose très vite par sa qualité et son sérieux, et vous-même, à la fois auteur et traducteur de grand talent, vous séduisez. Les ouvrages que vous publiez valent autant pour la présentation que vous en faites que pour leur contenu.

Les télévisions font appel à vous, pour avoir votre opinion dans la préparation de films documentaires ou pour vous demander de participer à des débats et, de toutes parts, il vous est offert de donner des conférences.

Il faut dire que maniant avec une égale facilité l’anglais, l’italien et le français, écrivant dans ces trois langues dans des styles différents, mais avec toujours la même élégance, homme de grande culture, vous êtes à la croisée des chemins, un de ces hommes rares dont notre monde a tant besoin.

Et particulièrement la France, car traducteur de grands auteurs français - vous avez notamment traduit Jean-Baptiste Duroselle - vous avez contribué largement, en les publiant dans votre maison, à diffuser la pensée française aux Etats-Unis.

Vous aimiez, Monsieur, la culture française et l’histoire de notre pays à un tel point que je me demande si vous n’étiez pas le plus Français des Américains. Ceci vous permettait de comprendre ce que personne d’autre que vous pouvait saisir. L’un de vos derniers ouvrages « Indochine et Vietnam », qui sort en librairie en France ces jours-ci l’a encore prouvé. Aussi bon connaisseur des aspects militaires, historiques et politiques de la guerre d’Indochine que de la guerre du Vietnam vous nous avez offert un livre unique. Il en fut de même lorsque, à l’Académie des Sciences d’Outre-Mer de France, vous avez présenté une magistrale communication sur le thème « Les Etats-Unis et la décolonisation des Grands empires coloniaux », sujet sur lequel les francophones savaient bien peu et sur lequel ils s’interrogeaient beaucoup.Vous y firent des révélations.

Ces derniers mois vous prépariez, dans le cadre de la Délégation de La Renaissance Française aux Etats-Unis un important colloque, qui était très attendu, sur « Les Etats-Unis et la France dans la Grande Guerre » ; vous y aviez associé le prestigieux « New York Military Affairs Symposium », le NYMAS, dont vous étiez le Directeur exécutif et le « Soldiers Sailors Marines Coast Guards and Airmen ’ Club of New York City » au conseil scientifique duquel vous apparteniez.

Assurés de sa haute qualité, nous attendions ce colloque avec impatience. Nous en serons privés. Comme nous serons privés des propos toujours clairs, précis, intelligents du Professeur Robert Miller, de sa bienveillance, de sa courtoisie, et de son amabilité.

Les francophones, perdent avec lui un ami très sûr.


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