Cérémonies du 5 décembre 2023- Discours d’André Mudler, Président de la FARAC
Membre de l’Union nationale des combattants, j’ai l’honneur d’évoquer devant vous la mémoire de tous les morts pour la France pendant la guerre d’Algérie, ce conflit qui a mobilisé 1 100 000 appelés du contingent, 317 000 militaires d’active et plus de 200 000 combattants français musulmans.
Bien que le 11 Novembre se veuille depuis 2012 la journée nationale
d’hommage à tous les Morts pour la France, nous tenons à « notre 5
décembre », créé pour rendre hommage à nos frères d’armes morts pour
la France en Afrique du Nord, à l’instar des harkis et autres formations
supplétives qui rendent hommage à leurs morts le 25 septembre de
chaque année.
Qu’en est-il en ce 5 décembre 2023 ? J’affirme que la guerre d’Algérie est
loin d’être terminée dans notre imaginaire collectif. Il en subsiste des
mémoires différentes, des mémoires divergentes. Albert Camus, pied noir
et ancien prix Nobel de littérature, ne nous avait-il pas prévenus : « De
l’Algérie, on ne guérit jamais. »
La tradition française est de fêter les victoires. On fête rarement les
défaites ou les échecs. On n’a pas fêté l’armistice de juin 1940, ni les
accords de Genève de juillet 1954 consacrant la perte de l’Indochine. Or
le cessez-le-feu du 19 mars 1962, au moins par ses conséquences, n’a
pas mis fin à la guerre d’Algérie.
Si l’annonce du cessez-le-feu a suscité la joie chez les appelés du contingent, j’ai moi-même vécu ce moment, à l’inverse, les accords d’Evian marquent l’exode des Pieds Noirs, le début d’une tragédie pour les harkis et leurs familles et des violations du cessez-le-feu provoquant au sein de l’armée française la mort de 145 militaires,
422 blessés et 162 disparus.
J’ai passé 25 mois sur le sol algérien. A peine âgé de 20 ans, j’ai eu
l’honneur, mais aussi le triste privilège de succéder à un jeune officier
saint-cyrien, Jean-Loup Castelnovo, origine de Saint-Chamond, mort au
combat dans la montagne kabyle. C’est dire qu’il est de mon devoir, de
notre devoir, nous les acteurs et témoins de cette guerre, d’honorer la
mémoire des 405 militaires originaires du Rhône dont les noms sont
inscrits à jamais sur ce Mémorial.
Appelés en Algérie pour participer à des opérations de maintien de l’ordre, ces militaires ne se doutaient pas qu’ils partaient à la guerre ! Ils ont obéi aux ordres du gouvernement de la France sans savoir que leur destin était de mourir pour elle. Ils méritent tout notre respect. Ne les oublions pas.
Parmi eux, 5 sont considérés comme disparus. Leurs noms figurent
d’ailleurs sur la liste des 642 militaires, officiellement disparus, inscrits sur
le monument qui leur est dédié à Port-Vendres. Pour leur rendre hommage
aujourd’hui, des anciens combattants d’Algérie, ici présents à mes côtés,
vont nous rappeler que ces 5 disparus sont, eux aussi, selon la formule
consacrée, morts pour la France. Il s’agit :
• du caporal Jean VIGNON , né à Saint-Jean la Bussière, au nord
d’Amplepuis, disparu en 1956 MORT POUR LA FRANCE
• du sergent de l‘armée de l’Air Auguste MIELLAT, né à Lyon 3e,
disparu en mer en 1956 MORT POUR LA FRANCE
• du soldat Jean-Louis DEVAUX, né à Cours la Ville, disparu en
1957 MORT POUR LA FRANCE
• du caporal Henri GOLEC, né à Bron, disparu en 1960
MORT POUR LA FRANCE
• du brigadier Serge RONZI, né à Villeurbanne, disparu en 1962
MORT POUR LA FRANCE
A l’heure où le mot « disparu » a pris toute sa force, je tenais à rappeler
leur mémoire, que nous sommes collectivement et symboliquement aux
côtés de leurs familles qui n’ont pas pu faire le deuil de l’un des leurs, et
pour cause, leur corps n’ayant jamais été retrouvés.
Je veux aussi rendre hommage à un jeune médecin, le sous-lieutenant
François MATHIAS, né à Lyon, mort pour la France le 28 août 1961,
inhumé à Saint-Cyr-au-Mont d’Or, et dont un membre de sa famille, son
beau-frère, est ici présent.
Le bilan de cette guerre sur le territoire algérien a souvent fait l’objet de
chiffres approximatifs, voir fantaisistes. Je profite de cette cérémonie pour
rappeler les pertes militaires officielles, en regard aux événements en
cours au Moyen-Orient :
• 15 500 morts au combat dont 6 400 appelés, 3 200 supplétifs, 2 600
militaires d’active et 1 200 légionnaires
• 7 900 morts par accident
• 1 100 morts par maladie
• 60 000 blessés
soit une moyenne de 6 morts et 21 blessés par jour au combat. Dans
l’indifférence médiatique, pour ne pas dire dans la discrétion nationale,
ces Morts pour la France ont rejoint leurs lieux de sépulture sans recevoir
l’hommage populaire de la Nation, tel qu’il existe, depuis 2011, pour les
soldats français morts en opérations, avec la traversée du pont Alexandre
III et le cérémonial des Invalides à Paris. C’était un autre temps, fait
d’amertume et d’incompréhension.
61 ans après l’indépendance de ce qui fut l’Algérie française, je constate
qu’il subsiste encore, ça et là, des feux mal éteints, pour reprendre le titre
d’un roman de Philippe Labro. Dans le Rhône, ce Mémorial, érigé en 2006
par la volonté de toutes les associations d’anciens combattants quelle que
soit leur sensibilité, est devenu un lieu de mémoire, un lieu de paix, un lieu
de reconnaissance de la Nation envers ses enfants Morts pour la France
en Afrique du Nord. Veillons à ce qu’il en soit toujours ainsi.
Aujourd’hui, nous avons tous plus de 80 ans et notre nombre décroit de
façon massive année après année. A l’automne de nos vies, il ne faudrait
pas qu’un vent mauvais se lève, ravivant les champs de braises, si bien
évoqués en son temps par le commandant Hélie Denoix de Saint-Marc.
Je vous remercie.
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5 Décembre
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