Amendement N°7 relatif au 19 mars-Projet de loi N°4079
Discussion de l’amendement N°7, soutenu par Monsieur Jean-Jacques Candelier.
M. Jean-Jacques Candelier. En cette année 2012, constituant le cinquantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie, l’amendement n° 7 prend tout son sens : l’année qui commence sera l’occasion d’honorer à sa juste valeur la mémoire des anciens combattants d’Algérie.
La Nation a le devoir de reconnaître les souffrances endurées et les sacrifices consentis par ses combattants, et d’empêcher qu’ils ne sombrent dans l’oubli.
Chaque conflit armé a un début et une fin. Pour consacrer au souvenir des morts et de la paix retrouvée une journée officielle, nous suggérons la reconnaissance du 19 mars comme Journée nationale du souvenir et du recueillement. C’est, en effet, le lundi 19 mars 1962, à midi, que le cessez-le-feu décidé à la suite des accords d’Évian fut appliqué sur tout le territoire algérien.
La date du 5 décembre ne correspond à aucun événement particulier du conflit algérien.
M. Lionnel Luca. Tant mieux !
M. Jean-Jacques Candelier. Notre amendement traduit la constance des députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche à l’égard de la guerre d’Algérie.
Il s’agit aussi de tirer tous les enseignements de cette période de l’histoire de notre pays. En aidant à reconnaître que la France s’est engagée entre 1952 et 1962 dans une véritable guerre, la reconnaissance du 19 mars
créerait les conditions d’une meilleure compréhension de la nocivité du colonialisme et du mépris voué aux peuples en lutte pour leur liberté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrick Beaudouin, rapporteur. Monsieur Candelier, la Nation reconnaît déjà les souffrances endurées et les sacrifices consentis par les combattants de la guerre d’Algérie, grâce à la journée nationale d’hommage aux morts pour la France pendant la guerre d’Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie, fixée le 5 décembre par le décret du 26 septembre 2003.
Je rappelle que cette date a été choisie par une commission présidée par l’historien Jean Favier et réunissant les présidents des douze principales associations d’anciens combattants. Par onze voix contre une, la date du 5 décembre a été préférée à celle du 19 mars – date du cessez-le-feu – et à celle du 16 octobre – jour anniversaire de l’inhumation du soldat inconnu d’Alger dans la nécropole nationale de Notre-Dame de Lorette.
Je ne crois donc pas indispensable, au moment où nous discutons de l’hommage unanime de la France aux morts pour la France, d’ouvrir une fois de plus un chapitre partisan. Comme l’a dit le président d’une grande association nationale, devant un monument aux morts, on ne se divise pas, on se rassemble. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Mme Françoise Hostalier et M. Michel Hunault. Bravo ! Tout est dit !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Laffineur, secrétaire d’État. Dans tout débat, monsieur Candelier, mais encore plus dans un débat portant sur la mémoire, nous ne devons penser qu’à une chose : l’unité de la Nation.
M. Michel Hunault. Très bien !
M. Marc Laffineur, secrétaire d’État. Si je comprends que certaines associations souhaitent célébrer le 19 mars, je sais aussi que cette date ne peut pas faire l’unanimité.
Après le 19 mars, 75 000 harkis ont été assassinés.
La plupart de ces combattants avaient fait partie de l’armée d’Afrique lors de la Seconde Guerre mondiale, ralliés, pour certains, au général Leclerc à N’Djamena, au Tchad.
Après la guerre, une partie des centaines de milliers d’Algériens ayant combattu aux côtés de la France sont restés dans l’armée française, parce qu’ils avaient fait le choix de la France – nombre de leurs pères, de leurs frères, étaient morts pour la France.
Aujourd’hui, nous devons penser à eux. Nous devons nous souvenir qu’ils ont fait un choix difficile, un choix courageux, parce qu’ils avaient toujours combattu aux côtés de la France.
M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. Oui, un choix très courageux !
M. Marc Laffineur, secrétaire d’État. Comment expliquer à ces personnes que la date retenue pour l’hommage aux morts pour la France pendant la guerre d’Algérie est le 19 mars, alors qu’ils ont été dévastés, détruits, à compter de cette date ?
Même ceux qui ont été emmenés en France ont connu une intégration difficile – notre République doit d’ailleurs s’interroger sur la façon dont elle a accueilli ces combattants.
Nous devons également penser aux deux millions de Français appelés les pieds-noirs. Contrairement à ce que vous semblez affirmer, monsieur Candelier, on ne peut assimiler les pieds-noirs à des colonialistes. Bien sûr, certains ont pu tirer profit de la situation. Mais la plupart des personnes qui ont dû quitter l’Algérie étaient des petits commerçants, des fonctionnaires…
M. Lionnel Luca. Des enseignants !
M. Marc Laffineur, secrétaire d’État. …des policiers, des gens modestes.
Parmi les pieds-noirs, on a dénombré 1 696 personnes disparues après le 19 mars 1962, sans que l’on puisse jamais savoir ce qu’elles sont devenues. Comment voulez-vous expliquer aux harkis, à ces Français déracinés, arrivés en métropole après avoir tout perdu, que l’on a retenu la date du 19 mars pour commémorer la fin de la guerre d’Algérie ? Ce n’est pas possible !
Constatant la difficulté à trouver une date de commémoration des morts d’Algérie pour la France, journée d’union nationale et de recueillement, où l’unité de la Nation doit s’exprimer, la commission Favier, réunissant des historiens de toutes tendances ainsi que des associations d’anciens combattants, a finalement retenu la date du 5 décembre, proposée par l’une des associations et adoptée à l’unanimité moins deux voix.
Je vous le répète, nous devons penser à l’unité de notre pays plutôt que de lancer des débats qui ne peuvent que le diviser. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
L’amendement n° 7 n’est pas adopté.
fr Parlement Propositions de loi. ?