5 Juillet 2015 à Béziers...
Mesdames, Messieurs, chers amis,
Nous voici, une nouvelle fois, en ce 5 juillet, dans ce cimetière, devant cette stèle, une nouvelle fois au rendez-vous de la fidélité.
Le 5 juillet n’est pas une date comme une autre de la guerre d’Algérie. C’est le jour du plus grand massacre de cette guerre. Un massacre qui ne doit rien aux combats mais tout à la cruauté d’une populace haineuse et à l’impuissance voulue, volontaire, décidée d’une armée aux ordres d’un gouvernement félon.
Eh oui, lorsque l’on prend le pouvoir grâce à l’Algérie française, lorsque l’on fait le serment de la conserver, lorsque des milliers d’hommes croient ce serment fait au nom de la France et en perdent la vie, oui, on est un gouvernement félon.
Cette stèle n’est pas une stèle comme les autres. C’est celle des victimes de ce massacre. Mais également la stèle de ceux qui ont combattu jusqu’à la mort pour l’Algérie française. Ce rendez-vous n’est pas, cette année, un rendez-vous comme les autres. La décapitation sur notre sol d’un civil Français par un islamiste nous rappelle, nous renvoie à celles des harkis en 1962. Comme si les mensonges, les abandons de jadis ne servaient jamais, jamais de leçon !
Voilà pourquoi, nous savons ce qui nous réunit ici, ce matin. Nul besoin de grands discours pour ceux qui ont leur mémoire dans leur peau, pour ceux à qui l’on a arraché la part essentielle d’une vie : l’enfance, la jeunesse, ses paysages, ses odeurs, ses cimetières.
Nul besoin d’explications pour tous ceux qui, ayant vécu le cauchemar de 1962, ont toujours redouté qu’il nous rattrape un jour, ici, sur cette rive de la méditerranée.
Ils peuvent nous couvrir de leurs injures, les sots, les traîtres qui prétendent que nous sommes ici pour une revanche, pour réécrire l’histoire. Il fallait les voir le 17 mars dernier hurler à l’ombre d’un drapeau du FLN parce que nous inaugurions une rue du commandant Hélie de Saint Marc.
Ils n’ont même plus l’excuse de combattre les injustices de l’Algérie de 1954. Ils n’ont même plus l’excuse de l’ignorance. Ce qu’est devenu ce pays après notre départ ne leur a décidément rien appris.
Ils ont la traîtrise dans le sang. Après avoir vendu l’Algérie française, ce sont les mêmes qui s’apprêtent maintenant à livrer la France.
Albert Camus disait qu’entre la justice et sa mère, il choisissait sa mère. Eux sont de ceux qui abandonnent leur mère ! Mais Dieu merci, ils ne sont désormais qu’une poignée que les temps qui viennent finiront par balayer.
Face à eux, en tous lieux et en toutes époques, il faut s’extraire de cette boue pour aller à l’essentiel. Et l’essentiel, c’est que tous ici, plus de soixante ans après, nous réclamons toujours justice.
Oh non, nous ne voulons pas d’argent. Nous ne voulons pas davantage d’une nouvelle journée de commémoration, une de ces journées au cours desquels des représentants de l’État ânonnent des textes d’une platitude atterrante.
Nous ne voulons pas, non plus, que le président de l’Algérie nous présente des excuses. Il n’en fait même pas à son propre peuple, alors ne rêvons pas…
Ce que nous voulons, c’est la vérité, la simple reconnaissance des faits. Nous la voulons au nom de notre nation et par notre nation. Nous la voulons dans les livres. Nous la voulons dans les programmes de télévision. Nous la voulons à l’école. Nous la voulons au grand jour.
Nous ne voulons pas l’asséner. Nous ne voulons pas l’imposer. Nous, nous acceptons la confrontation, la discussion, le débat, parce que nous savons que les faits, nous savons que les chiffres, nous savons que nos vies et que nos morts parlent pour nous.
Nous voulons cette place qu’on nous refuse, que les historiens officiels, à la manière d’un Benjamin Stora, nous refusent. Eux dont on peut se demander s’ils sont des historiens français ou des thuriféraires attitrés du FLN…
Alors pourquoi nous refuse-t-on cette vérité ? Ce que nous avons à dire est-il donc si étranger à notre pays ? Ou, plutôt, étranger à ce nouveau pays que l’on invente chaque jour à Paris, à Bruxelles, et qui n’est pas la France, et qui, au contraire, travaille à la détruire, s’acharne à nier son histoire et même son existence.
Notre rassemblement veut la justice. Et pour la justice, nous sommes prêts à nous battre. Nous ne sommes pas ici pour nous complaire dans la douleur, nous sommes ici des combattants au service de notre peuple et de notre nation.
Encore un mot. En ce jour, nous ne rendons pas seulement hommage à des morts. Morts dans des conditions atroces mais dont les familles ont pu faire le deuil. Et Dieu sait qu’il en coûte…
Nous ravivons aussi – j’allais dire surtout - la mémoire de disparus, d’hommes et de femmes dont les gouvernements français ont nié jusqu’à l’existence en ne cherchant jamais, jamais la vérité à leur sujet, à leur égard. Nous honorons des Français que l’Etat français, que l’armée française a abandonné à leurs bourreaux alors même qu’ils pouvaient, qu’ils devaient les protéger.
Nous rappelons le souvenir d’une lâcheté organisée, d’un abandon absolu, d’une fuite abjecte.
Pour finir d’enterrer les morts, il faut les faire entrer dans l’histoire. Nous sommes ici les fils et les filles d’une histoire qui n’est pas terminée. Nous sommes les héritiers d’une tâche à accomplir. La France a abandonné les disparus d’Oran. Nous ne les oublierons jamais. Comme nous n’abandonnerons jamais la France parce que nous savons que notre pays n’appartient qu’à ceux qui l’aiment assez profondément pour tout lui donner.
Et nous sommes de ceux-là. Nous sommes de ceux qui donneront tout. Et, donnant tout, alors, peut être, recevrons-nous notre nourriture d’homme, la seule nourriture qui vaille : la fierté, l’honneur, la joie du devoir accompli.
Vive l’Algérie française qui garantissait la France française !
Vive la France !
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5 Juillet 1962
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