Décès de Pierre Lagaillarde,par le Comité VERITAS
Il faut investir le bâtiment du Gouvernement Général, symbole méprisé d’un pouvoir politique en déroute. Le lendemain soir, 13 mai, après une brève cérémonie au plateau des Glières présidée par le général Salan, en présence d’une foule considérable, voici le moment historique. Lagaillarde s’élance seul, franchit les grilles et s’élance jusqu’au haut du bâtiment, d’où il ressort, sur une étroite corniche, incitant la foule qui l’a suivi à entrer. En un clin d’œil, le bâtiment est pris d’assaut…
La suite est bien connue : formation d’un Comité de Salut Public présidé par un Massu ronchonnant (« mais alors, il y a-t-il complot ? ») avec Lagaillarde, et les principaux militants… Des militaires, aussi, Ducasse, Trinquier, Thamazo et aussi Delbecque qui s’est faufilé et qui prétend faussement être l’envoyé de Soustelle. Son adjoint Neuwirth, le roi des intrigants, l’accompagne.
Plus tard, ce dernier trahira la cause de l’Algérie française pour s’offrir une longue et fructueuse carrière de gaulliste très alimentaire. Etrange moment de l’Histoire avec la rencontre idéologique fugitive de deux hommes au destin si différent : Neuwirth, pour sa trahison, aura droit aux honneurs officiels dans l’opulence, Lagaillarde, pour sa fidélité, connaîtra l’opprobre, les prisons gaullistes et la misère de l’exil.
Quoiqu’il arrive désormais, la date du 13 mai symbolisera pour toujours un évènement unique dans notre Histoire et le plus légitime qui soit : le soulèvement d’un peuple contre un régime qui lui refusait le droit de rester français sur sa terre natale.
Dans « LA DECLARATION UNIVERSELLE DES DROITS DE L’HOMME » de 1948, n’est-il pas précisé que « nul n’a le droit de priver quelqu’un de sa nationalité de naissance ». ? Plus tard, il faudra toutes les innombrables défections, lâchetés successives, et toute l’ampleur d’une trahison historique dans un bain de sang pour venir à bout de ce droit fondamental.
Pour l’heure, Pierre Lagaillarde est devenu le héros du jour : il fait partie de la mission clandestine envoyée en métropole avec le commandant Vitasse pour rencontrer les chefs militaires de l’opération « Résurrection » destinée à faire pressions sur les Parlementaires qui rechignent à voter l’investiture de Charles De Gaulle.
Car, depuis le malheureux cri de ralliement de Salan, le 15 mai, c’est De Gaulle que l’on veut maintenant…Justement Lagaillarde, en qualité de membre du Comité de Salut Public, fait partie de la délégation qui va accueillir, à l’aéroport de Maison Blanche, Charles De Gaulle qui sera, ensuite, reçu officiellement au Palais d’été. Le programme proposé par « l’homme du destin » parait, dans l’ensemble, conforme à la ligne préconisé dans les Comités de Salut Public : alors pourquoi ne pas le suivre ?
La ratification massive de la Constitution par référendum du 28 septembre 1958 (plus de 85% en Algérie) n’apporte-t- elle pas la preuve éclatante que l’immense majorité des musulmans rejette le FLN, et veut rester française ?
De Gaulle n’avait-il pas déclaré, un mois avant, le 29 août 1958 à Alger : « Pour chacun ici répondre OUI au referendum voudra dire que l’on veut se comporter comme un Français à part entière et que l’on croit que l’évolution nécessaire de l’Algérie doit s’accomplir dans le cadre français. »(Discours et Messages de Ch. De Gaulle PLON 1970 page 40)
La véritable autodétermination la voici. ! Quelques jours plus tard De Gaulle vient le confirmer à Constantine le 3 octobre 1958 : « Trois millions et demi de femmes et d’hommes d’Algérie sans distinction de communauté et dans l’égalité totale sont venus… apporter à la France et à moi-même le bulletin de leur confiance. C’est là un fait aussi clair que la lumière du ciel ! Et ce fait est capital pour cette raison qu’il engage l’une envers l’autre, et pour toujours, l’Algérie et la France… » (Même référence -page 48)
Qui aurait pu douter alors de la sincérité de telles paroles venant de l’homme prestigieux du 18 Juin ? A la lecture de ces discours, quand on connaît l’épilogue on reste confondu d’une telle fourberie, aux conséquences si meurtrières.
Il y avait bien, certes, des Algérois de la génération précédente qui, se rappelant la bassesse des procédés employés par De Gaulle pendant la guerre pour éliminer le général Giraud, n’avaient pas confiance. Lagaillarde, malgré son jeune âge, (il avait 27 ans), était-il de ceux-là ?
Peut-être voulait-il continuer son action plus efficacement à Paris, jouer le jeu à fond C’est apparemment en toute confiance qu’il se présente aux élections de novembre 1958 où il est élu député d’Alger-Ville sur une liste Algérie Française, avec René Vinciguerra, Mourad Kaouah et Ahmed Djebbour.
La nouvelle Assemblée se réunit au Palais Bourbon le 9 décembre. Le groupe gaulliste UNR est dans la ligne Algérie française de son leader moral, Michel Debré, de même que la grande majorité des députés des départements d’Algérie (71 dont 45 Musulmans) qui se groupent sous l’étiquette Unité de la République.
Celle-ci, avec L’UNR et les Indépendants, forme une majorité assez massive et cohérente pour refuser toute déviation. Mais, au bout de quelques mois, Lagaillarde et ses amis vont constater qu’en fait De Gaulle mène, seul, toute la politique algérienne qui échappe au Parlement. Il intervient alors à la tribune pour parler de « l’incompétence de fait où en est réduite cette Assemblée ».
Mais la majorité des élus d’Algérie fait confiance au Chef de l’Etat. Rien de plus émouvant et tragique que l’intervention de Ali Mallem, député de Batna, le 9 Juin 1959 à l’Assemblée « Nous l’avons suivi (De Gaulle) parce que c’est un visionnaire, un patriote Avec lui toutes les promesses ont été réalisée : la meilleure preuve c’est notre présence ici ». (Michèle Salinas « L’Algérie au Parlement » Ed Privat-1987- page 103)
Hélas, le 3 juillet 1962, par un décret parfaitement illégal, De Gaulle déclarera Ali Mallem, député français musulman, interdit dans cette même Assemblée, où il siégeait légalement depuis 4 ans, déchu de son mandat avec tous les élus d’ Algérie qui seront, par ailleurs, menacés de mort par le FLN …
Dans son discours, dit d’autodétermination, du 16 Septembre 1959, De Gaulle jette le masque. Il veut installer le FLN à Alger, mais il va jurer ses grands dieux du contraire, ce qui va en abuser plus d’un, surtout chez les militaires.
Comment le croire ? A Alger où l’on ne se doute pas de l’impuissance totale du Parlement en matières d’Affaires algériennes, le député Pierre Lagaillarde est critiqué par certains : serait-il devenu victime, ou complice, du système ?
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