Alphonse Juin (1888-1967)
Fils de gendarme, Alphonse Juin est né le 16 décembre 1888, à Bône, en Algérie. Après des études à Constantine puis à Alger, il est reçu à Saint-Cyr en 1909. Sorti major de sa promotion - promotion "de Fès", la même que Charles de Gaulle - en 1912, il opte pour les tirailleurs algériens. Affecté au Maroc fin 1912, le sous-lieutenant Juin prend part aux opérations de pacification du pays.
Le 3 août 1914, l’Allemagne déclare la guerre à la France. Le lieutenant Juin monte au front avec les troupes marocaines. En septembre 1914, il participe aux combats de la Marne. Grièvement blessé sur le front de Champagne en mars 1915, il perd en partie l’usage du bras droit. Capitaine en 1916, il rejoint le 5e bataillon de tirailleurs marocains au Chemin des Dames. En février 1918, il suit les cours d’état-major à Melun avant d’être détaché en octobre à la mission militaire française auprès de l’armée américaine et affecté au cours de perfectionnement des officiers de liaison du Corps expéditionnaire américain.
Breveté de l’École supérieure de guerre en 1921, il sert en Tunisie avant de rejoindre à la fin de l’année 1923 le Maroc où il participe à la campagne du Rif. À l’automne 1925, il rentre en France avec le maréchal Lyautey et travaille sous ses ordres au Conseil supérieur de la guerre. Promu chef de bataillon en 1926, il part l’année suivante rejoindre le 7e régiment de tirailleurs algériens à Constantine.
En 1929, il est chef du cabinet militaire du résident général au Maroc, Lucien Saint, et prend une part active à la réalisation de la dernière phase du plan de pacification de l’Atlas. Lieutenant-colonel en mars 1932, il devient professeur de tactique générale à l’École supérieure de guerre en 1933 avant d’être affecté comme commandant en second au 3e régiment de zouaves à Constantine. Il prend le commandement de ce régiment le 6 mars 1935. En juin, il est promu colonel. En 1937, il est affecté auprès du résident général au Maroc, le général Noguès, et suit parallèlement les cours du Centre des hautes études militaires.
Nommé général de brigade le 26 décembre 1938, il est affecté à la mobilisation à l’état-major du théâtre d’opérations d’Afrique du Nord. Alors que la situation se durcit en Europe, il prépare à Alger les mesures relatives à la levée de divisions en Algérie et en Tunisie. À la déclaration de guerre, en septembre 1939, il demande à servir en France métropolitaine. Le 4 décembre suivant, il prend le commandement de la 15ème division d’infanterie motorisée.
Tandis que les forces allemandes lancent leur offensive à l’Ouest le 10 mai 1940, sa division entre en Belgique où elle s’illustre à Gembloux les 14 et 15 mai. Plus au sud, les troupes allemandes ont percé le front à Sedan. Juin reçoit l’ordre de se replier. Il défend alors successivement Valenciennes puis les faubourgs de Lille, couvrant la retraite de la 1re armée française vers Dunkerque. Il est fait prisonnier à Lille le 30 mai 1940 et incarcéré à la forteresse de Königstein. Nommé général de division durant sa captivité, il est libéré en juin 1941 à la demande du maréchal Pétain au titre de spécialiste de l’Afrique du Nord. Nommé adjoint au général commandant supérieur des troupes du Maroc le 16 juillet 1941, il est promu général de corps d’armée et remplace le général Weygand à la tête des forces d’Afrique du Nord le 20 novembre suivant. Il poursuit alors à l’égard de l’armée d’Afrique la ligne insufflée par son prédécesseur de "défense contre quiconque" (forces de l’Axe comme Alliés).
Le 8 novembre 1942, les Anglo-Américains débarquent en Algérie et au Maroc. Juin, qui n’a pas été informé de l’opération, est arrêté à Alger par des membres de la résistance locale. Les autorités reprennent toutefois rapidement le contrôle de la ville. Libéré, Juin intervient pour obtenir le cessez-le-feu entre les forces de débarquement et les troupes françaises. Rentrée dans la guerre aux côtés des Alliés, l’armée d’Afrique va alors participer à la reconquête du territoire national avec, comme premier théâtre d’opérations, la Tunisie.
Durant cette campagne (novembre 1942-mai 1943), le général Juin commande le détachement d’armée française (DAF) et est nommé général d’armée le 25 décembre 1942. Il occupe le poste de résident général de France en Tunisie, par intérim, à partir du 8 mai 1943. Au cours de l’été, il met sur pied le corps expéditionnaire français (CEF) à la tête duquel il participe à la campagne d’Italie. Après plusieurs combats menés avec succès, sur le Pantano en décembre 1943, sur le Rapido et au Belvédère en janvier 1944, il remporte la victoire du Garigliano le 13 mai, ouvrant les portes de Rome aux Alliés, puis remonte sur Sienne et le nord de la Toscane. Juin quitte le corps expéditionnaire français et l’Italie en août.
Nommé chef d’état-major général de la défense nationale auprès du général de Gaulle, chef du gouvernement provisoire, il entre le 25 août à ses côtés dans Paris libéré. Tandis que la libération du territoire national se poursuit, il se consacre à la réorganisation des forces armées françaises pour leur permettre de participer pleinement à la fin des opérations. Dans le même temps, il est amené, en qualité d’expert militaire, à effectuer de nombreuses missions qui le conduisent notamment, en décembre 1944, à Moscou, où il prend part aux négociations relatives au futur pacte franco-soviétique, et, en avril 1945, aux États-Unis, pour la création de l’Organisation des Nations Unies. En avril 1946, le général Juin est envoyé en Extrême-Orient, pour négocier le retrait des troupes chinoises qui occupent le nord de l’Indochine.
En 1947, Juin rejoint l’Afrique du Nord où il occupe le poste de résident général de France à Rabat, au Maroc. En Extrême-Orient, la situation ne cesse cependant de s’aggraver et, en octobre 1950, il effectue à la demande du gouvernement une nouvelle mission en Indochine. Inspecteur général des forces armées françaises en janvier 1951, il prend au mois de septembre suivant le commandement en chef des forces alliées du secteur Centre Europe dans le cadre de l’alliance Atlantique. Ses fonctions le placent au cœur des problèmes nationaux et internationaux : place de la France dans l’alliance Atlantique, débat sur la Communauté européenne de défense (CED), évolution des pays d’Afrique du Nord vers l’indépendance, guerre d’Indochine... Dans le même temps, il est élevé à la dignité de maréchal de France le 7 mai 1952 et reçu à l’Académie française le 26 juin.
En février 1957, il fait paraître son premier livre Le Maghreb en feu puis se consacre à la rédaction de ses Mémoires et de divers ouvrages.
Le maréchal Juin s’éteint le 27 janvier 1967.
Il était Grand-Croix de la Légion d’honneur et titulaire de la Médaille militaire, de la Croix de guerre 1914-1918, de la Croix de guerre 1939-1945, de la Croix de guerre des théâtres d’opérations extérieurs, de la Médaille coloniale Maroc et Tunisie ainsi que de nombreuses décorations étrangères.
Source : MINDEF/SGA/DMPA
fr Histoire et mémoires 5- L’Armée d’Afrique ?