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Henri-Christian Giraud : Algérie, Le Piège Gaulliste
Extrait de "Actualités du Secours de France ◆ Janvier 2023"
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Le 10 octobre 1956, deux ans après le déclenchement de la rébellion en Algérie et dix-sept mois avant le 13 mai 1958, le Général De Gaulle déclare à l’ambassadeur soviétique en France, Vladimir Vinogradov, qu’à son prochain retour aux affaires, il entamera des négociations qui déboucheront sur l’indépendance de l’Algérie.
L’objectif est donc bien défi ni et l’ouvrage d’Henri-Christian Giraud, important à tous points de vue, va consister à dérouler, mois après mois, semaines après semaines, la mise on œuvre de la stratégie devant déboucher, dans les meilleurs délais, au “dégagement” pur et simple.
Cette mise en œuvre est délicate, tant les forces qui s’opposent à cette finalité sont nombreuses : état de l’opinion et du Parlement, largement acquis au maintien de l’Algérie dans la France ; importance du facteur Pieds-Noirs ; fidélité de la grande masse des musulmans à la “mère patrie” ; engagement de l’armée française dans un combat qui a permis à son Chef de revenir au pouvoir… et qui comprend bien des affidés dans son propre gouvernement.
Le “piège gaulliste”, c’est l’ensemble des tactiques successives utilisées par le promoteur de la stratégie pour annihiler progressivement tous ces obstacles. Un chef-d’œuvre de duplicité, avec, à l’issue, une tragédie, sinon attendue, du moins acceptée comme un moyen d’accélération du processus conduisant au “dégagement”.
Ainsi, les assurances données à l’armée, dans une succession de “tournées des popotes”, toutes plus convaincantes les unes que les autres, alors que progressivement on dégage les chefs civils ou militaires, à commencer par Salan, puis Massu, pour en mettre de nouveaux, comme Paul Delouvrier ou le général Challe qui, d’ailleurs, finiront par “décevoir”.
Ainsi, le Plan de Constantine, pour faire croire à l’engagement de la France sur une longue durée.
Ainsi, la Paix des Braves, dont se repentiront ceux des chefs rebelles qui y ont cru.
Ainsi, l’annonce du référendum sur l’autodétermination, dont on s’emploiera à rendre inopérantes deux des options – la francisation et l’association – pour ne garder que la plus conforme aux volontés du Souverain :
La sécession. Cette accélération du processus sera rendue possible, en premier lieu, par la semaine des barricades qui permettra au pouvoir de durcir l’arsenal législatif et réglementaire de la répression et, en second lieu, par le “Putsch des généraux” qui n’a pas surpris un Pouvoir très informé, mais lui a permis d’épurer l’armée, d’accélérer la phase de négociation avec “l’Organisation extérieure” du FLN et, surtout, de lutter contre les résistances intérieures, en particulier celle de l’OAS, allant jusqu’au renversement d’alliances après les “accords d’Évian” et la liquidation, dans les plus brefs délais, de l’Algérie française, l’abandon de ses habitants Pieds-Noirs ou de ses musulmans engagés auprès de la France et atrocement massacrés, de “son” Sahara et de “son” pétrole…
Alors pourquoi cet acharnement ? Pourquoi ce refus, la guerre étant gagnée sur le terrain, d’une accession progressive à l’indépendance, préservant les acquis de la France et les droits de toutes les populations vivant sur le sol algérien ?
La réponse est triple :
Il s’agissait d’éviter à la France une algérianisation progressive de son territoire. De 200 000 personnes d’origine algérienne vivant en métropole, en 1954, elles seront le double en 1962…et 15 fois plus aujourd’hui.
Il s’agissait de permettre à la France de jouer un grand rôle parmi les pays non alignés, objectif auquel le maintien d’une “Algérie colonisée par la France” interdisait de prétendre.
Il s’agissait, enfin, de rompre avec une population européenne d’Algérie, mal aimée de l’ancien Chef de la France Libre qui lui reprochait son pétainisme et son affection pour un certain général Henri Giraud, ancien Commandant en chef de l’Armée d’Afrique…
Patrice Boissy
Éditions Perrin : 696 pages (avec index et biblio) 30 €