Editorial d’Avril 2015 du Général (2s) Antoine Martinez
C’était mal connaître l’obstination et l’influence d’une association d’anciens combattants qui, contre l’avis des autres associations représentant pourtant plus de deux millions de personnes, a réussi à faire déterrer le dossier dès l’élection du nouveau Président de la République en mai 2012, profitant du fait que le Sénat avait
changé de majorité à l’automne précédent. C’est ainsi que le Sénat a adopté le 8 novembre 2012 , en soirée, la proposition de loi relative à la commémoration du 19 mars 1962 par 181 voix contre 155. Au-delà du résultat du vote lui-même, c’est le procédé employé dans les discussions menées au Sénat qui est détestable et qui a renforcé le sentiment de colère des opposants à cette commémoration qui se traduit aujourd’hui par le refus – osons le dire, légitime et justifié – du maire de Béziers et de nombreux citoyens blessés d’accepter qu’une rue porte un tel nom.
N’oublions pas que lors des débats menés au Sénat au cours du dernier trimestre de 2012, l’examen de cette proposition de loi, reporté dans un premier temps au 20 novembre, avait été avancée précipitamment au 8 novembre pour des raisons qui ne trompent personne. Il s’agissait, en effet, devant l’hostilité manifestée par une large majorité d’associations patriotiques et d’anciens combattants qui commençait à prendre de l’ampleur d’empêcher au plus vite ces dernières d’organiser une action commune pour contrer ce projet. Il s’agit là d’une curieuse façon de concevoir le dialogue et de favoriser le rassemblement des Français et l’unité de la Nation.
On ne pouvait donc que déplorer une telle initiative qui a finalement ravivé des tensions dont on pouvait penser qu’elles avaient tendance à s’estomper d’une part, et
désapprouver la remise en cause des accords passés faisant du 11 novembre la seule date de commémoration pour tous les morts pour la France d’autre part.
L’adoption du 19 mars 1962 comme date mémorielle officielle ainsi que toutes les initiatives honteuses qui en résultent ont non seulement été et continuent d’être un facteur de division des Français mais constituent, de surcroît, des agressions qui se
multiplient contre la Nation. Elles justifient donc que les patriotes s’y opposent autrement que par des mots.
C’est ce qui s’est passé à Béziers. Cela dit, on peut s’interroger sur l’attitude, pour le moins ambiguë, de nos gouvernants dans cette affaire surtout lorsqu’on sait que tous les présidents de la Vème République précédents qui ont eu à s’exprimer sur ce dossier ont refusé que cette date soit célébrée.
M. Valéry Giscard d’Estaing déclarait le 19 mars 1980 : "L’anniversaire des accords du 19 mars 1962 n’a pas à faire l’objet d’une célébration. En un jour comme celui-ci il convient de tourner notre pensée vers ceux qui sont tombés en Algérie, vers les Français rapatriés et vers nos compagnons musulmans. La communauté nationale mesure ce que fut leur épreuve ".
M. François Mitterrand affirmait le 24 septembre 1981 : " S’il s’agit de célébrer le souvenir des victimes de la guerre d’Algérie, cela ne peut pas être le 19 mars parce qu’il y aura confusion dans la mémoire de notre peuple...Ce n’est pas l’acte diplomatique rendu nécessaire qui peut s’identifier à ce qui pourrait apparaître comme un grand moment de notre histoire. D’autant plus que la guerre a continué et que d’autres victimes ont été décomptées et que, au surplus, il convient de ne froisser la
conscience de personne ".
Le 25 septembre 2001, M. Jacques Chirac déclarait dans son allocution devant plus de cinq cents Harkis et leurs familles : "Pour les populations civiles, le 19 mars 1962 a marqué la fin des hostilités, mais pas la fin des souffrances. Les massacres commis en 1962, frappant les militaires comme les civils, les femmes comme les enfants, laisseront pour toujours l’empreinte irréparable de la barbarie. Ils doivent être reconnus".
Le 16 avril 2007, M. Nicolas Sarkozy témoignait sa compassion aux Français rapatriés : "Il n’est pas question que le 19 mars soit une date officielle de commémoration. Il est arrogant de condamner et de mépriser la douleur qui fut la vôtre et celle de vos familles lorsque vous fûtes chassés de vos terres, de vos maisons et séparés de vos amis ".
Tout est dit. Peut-être faut-il le rappeler à ceux qui n’ont pas vécu ou connu ce drame ou à ceux qui ont une mémoire sélective et qui s’érigent en juge aujourd’hui.
fr Communication Le CLAN-R diffuse ?