Comité de liaison (CLAN-R)

Gérard ROSENZWEIG-Oran, 5 juillet 1962 : requiem pour un massacre oublié (2/2)

mardi 5 juillet 2016

Une bouteille à la mer

Quinze heures encore. Place de la Bastille. Dans le bâtiment de la Grande Poste, plus précisément dans la partie occupé par le central téléphonique relié à la métropole, se trouvent encore des téléphonistes — dont une majorité de jeunes femmes. Celles-ci ont lancé un appel au secours sur les fréquences internationales. Comme on lance une dernière bouteille à la mer. Cet appel aurait été capté par un navire anglais qui l’aurait amplifié et transmis vers le Nord-Méditerranée. Mais cet appel a aussi été capté par les radios de l’armée FLN des frontières.

Ses hommes viennent d’encercler le bâtiment et l’investissent. La plupart des occupants sont tués sur place. Les survivants chargés sur leurs véhicules pour disparaître à jamais. Là aussi, nul ne sera jamais retrouvé.
Même le dieu des chrétiens abandonne les siens ; les églises n’ont su protéger les quelques fuyards éperdus qui espéraient y trouver refuge. La grande synagogue du boulevard Joffre n’a pu faire mieux. « Mort aux Youdis ! »,« Mort aux Roumis ! »

Ça et là, cependant, de très rares prisonniers échappent au massacre. Le hasard, autre nom du destin, fait passer un Algérien musulman près d’un groupe de vivants provisoires. Celui-ci y reconnaît un voisin, un ami, un employeur, une femme ; quelqu’un qu’il connaît peut-être depuis l’enfance. Si l’homme a réussi à convaincre exécuteurs ou garde-chiourmes, un homme est épargné, une femme revit. Ces retours de l’enfer restent hélas rarissimes.

Dix sept heures. Ou un peu avant. Les rumeurs internationales commencent à se faire trop insistantes. Les questions des capitales affluent vers Paris. «  Que se passe-t-il à Oran ? » Est-ce là la seule cause du changement d’attitude ? Soudain, de plusieurs casernes simultanément, surgissent des patrouilles armées et quelques blindés.

Un corps militaire FLN se joint à elles. Le secret politique ne livrera rien des rapides accrochages, des rares échanges de feu. Le calme est rétabli dans l’heure qui suit. Même les bourreaux ont besoin de repos.
Mais si cette réaction reste bien timide, elle suffit pourtant à stopper les massacres et ses tragédies. L’ALN publie aussitôt un communiqué affirmant que l’ordre est rétabli dans Oran, et que les ennemis de la révolution algérienne ne sont pas parvenus à leurs fins. « Des meneurs, disent-ils, ont été arrêtés et seront jugés et punis par les tribunaux de la République algérienne démocratique et populaire. »

Le couvre-feu est instauré à partir du coucher du soleil à 19h55. Mais pas pour tout le monde. Pendant la nuit, les mêmes camions nettoient la ville de ces derniers cadavres et effacent les traces et les preuves du carnage. La gendarmerie mobile française prend quelques photos des derniers entassements de cadavres. Ces photos sont introuvables.


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